La Chambre des représentants a voté mardi pour un renforcement des contrôles des voyageurs sans visa à l’entrée des États-Unis. Ils cibleront les individus qui se sont notamment rendus en Syrie et en Irak. Le Sénat doit encore se prononcer.
Craignant l'entrée d'éventuels jihadistes dotés de passeports européens aux États-Unis, la Chambre des représentants américaine a adopté mardi 8 décembre une mesure renforçant les contrôles du programme d'exemption de visas dont bénéficiaient jusqu’ici 38 pays, dont la France.
La proposition de loi a été adoptée par 407 voix contre 19 et doit encore passer par le Sénat, à une date encore non fixée. Elle interdirait aux voyageurs des 38 pays partenaires s'étant rendus depuis mars 2011 en Irak, Syrie, Iran et Soudan de bénéficier d'une exemption, les forçant à demander un visa auprès des autorités américaines avant leur voyage. La loi vise aussi les personnes ayant la double nationalité avec l'un des pays nommés, par exemple des Franco-Iraniens, même s'ils ne sont jamais allés en Iran.
Les jihadistes français ou belges dans le viseur
Dans la foulée des attentats de Paris du 13 novembre, perpétrés notamment par deux hommes porteurs de passeports syriens, la Chambre à majorité républicaine avait voté une première fois pour restreindre l'accès des réfugiés syriens et irakiens au territoire américain.
Elle entend maintenant combler les failles d'un programme qui permet à plus de 20 millions de voyageurs, venant notamment de 30 pays européens, de se rendre chaque année sans visa aux États-Unis pour des séjours courts. Jusqu’ici la seule formalité était de remplir un formulaire "Esta" en ligne. La crainte des élus est que des jihadistes français ou belges comme ceux ayant participé aux carnages parisiens puissent prendre l'avion pour New York. "Aucun niveau de stimulation économique ne sera assez élevé pour risquer la vie de nos électeurs", a déclaré le représentant républicain Bob Goodlatte.
Un texte jugé "discriminatoire"
La réforme ne remet pas en cause l'existence du programme, créé en 1986 et étendu continuellement à des pays jugés fiables. La Maison Blanche et les professionnels du tourisme la soutiennent. Mais les changements apportés compliqueront les voyages des personnes qui se sont rendues pour des raisons légitimes dans les pays concernés, qu'ils soient humanitaires, journalistes ou simples touristes. Ils devront se rendre dans un consulat pour un entretien préalable au visa. Le formulaire Esta devrait aussi bientôt demander si le voyageur s'est rendu dans des pays jugés à risques.
L'association de défense des libertés Aclu et d'autres organisations ont dénoncé le texte comme discriminatoire. "Qu'est-ce que ça signifie pour un médecin suisse qui est allé travailler dans un camp de réfugiés en Irak et veut ensuite venir aux États-Unis pour une conférence?" s'est demandé le démocrate Keith Ellison.
À Washington, les représentants européens sont en contact avec les autorités américaines sur le sujet, dit un diplomate européen à l'AFP.
Échange de renseignements accru
Les pays partenaires signent en échange du privilège de nombreux accords de partage de renseignements sur leurs passagers (suspects terroristes, casiers judiciaires), et de bonnes pratiques sécuritaires avec Washington. La nouvelle loi accroîtrait le pouvoir de l'administration américaine pour sanctionner ceux qui ne partageraient pas assez de renseignements. Et elle forcerait les pays à alimenter sous 24 heures la base de données d'Interpol sur les passeports perdus ou volés, et à croiser la liste de leurs passagers avec les fichiers terroristes et criminels de l'organisation policière.
Le texte rendrait aussi obligatoires à partir d'avril 2016 les passeports électroniques, qui contiennent dans une puce les informations biographiques du détenteur, ainsi qu'une photographie numérisée et éventuellement des empreintes digitales. Mais dans les faits, la quasi-totalité des voyageurs ont déjà de tels passeports. Tous les passeports de l'Union européenne délivrés depuis 2009 sont biométriques, avec une photo et les empreintes de deux doigts.
Avec AFP