Musées, monuments, hôtels, grands magasins, restaurants, le tourisme parisien connaît, depuis les attentats du 13 novembre, une baisse substantielle de sa fréquentation. Retour sur un secteur qui subit aussi les conséquences du terrorisme.
Passé la sidération des attentats du 13 novembre à Paris, vient le temps des inquiétudes pour les professionnels du tourisme de la capitale française. Car le secteur a subi une forte baisse d’activité. "Si le tourisme d’affaires a plutôt bien résisté, - les personnes venues travailler ont, en effet, maintenu leurs réservations -, le tourisme de loisirs a, lui, enregistré une forte baisse", explique Clément Laloux, directeur marketing de l’Office du tourisme et des congrès de Paris à France 24.
"Les attentats ont eu un fort impact sur l’hôtellerie et notamment l’hôtellerie haut de gamme. Les établissements 4 et 5 étoiles, prisés en grande partie par la clientèle étrangère, ont enregistré une baisse de 30 % à 40 % du taux d’occupation suite à des départs et des annulations de réservation dans les jours qui ont suivi le 13 novembre", poursuit le directeur.
Hôtels, musées, resto, bateaux-mouches : tous touchés
L'hôtellerie n’est pas le seul pan du secteur touché. "Les grands monuments et les collections permanentes ont également été désertés par les touristes ces derniers jours, souligne Clément Laloux. Les collections temporaires, généralement plus fréquentées par les Parisiens et les Franciliens, n’ont par ailleurs pas été trop touchées. Preuve que les habitants d’Ile-de-France n’ont pas trop changé leurs habitudes".
Même constat dans le secteur de la restauration. De nombreux responsables d'établissement ont noté que la baisse de leur chiffre d’affaires était principalement liée à la clientèle touristique. La fréquentation de la clientèle de quartier et de proximité est, en revanche, restée stable. Bien que la "méfiance et l'inquiétude dominent", les clients ont également "un important besoin de parler" des évènements, révèle une étude du Centre régional d'observation du commerce de l'industrie et des services (Crocis).
Les grands magasins parisiens et les croisières sur la Seine ont également pâti des attentats, assure encore Clément Laloux. Les producteurs de spectacles ont également fait savoir, mardi 24 novembre, que leur secteur était en peine et réclament à ce titre un fonds de soutien de 50 millions d'euros.
Si tous les secteurs du tourisme sont concernés, les touristes ne réagissent pas de la même manière en fonction de leur pays d’origine. "Les Américains ont été les plus sensibles aux attentats, indique Thomas Deschamps, responsable de l’observatoire à l’Office du tourisme et des congrès de Paris. Ils ont été les plus nombreux à écourter leur séjour et annuler leurs réservations". Washington a d'ailleurs lancé une alerte mondiale à l'adresse de tous les voyageurs américains.
"La clientèle asiatique, notamment les Japonais, ont également cherché à fuir la France après le 13 novembre", assure encore l'observateur. La désertion nippone s’explique du fait que "Daesh ait décapité deux ressortissants japonais [NDLR : en janvier 2015]. De manière plus générale, le pays est plongé tout entier dans des questionnements sécuritaires surtout avec la réflexion menée par le Premier ministre, Shinzo Abe, pour modifier la Constitution pacifique et se doter d’une puissance militaire". Les Chinois sont également moins nombreux depuis les attaques terroristes dans la capitale française, mais les professionnels du tourisme veulent croire que cette désaffection est temporaire. "On espère que le rêve de Paris sera assez fort pour les faire revenir", confie Thomas Deschamps.
Un retour à la normale ?
Le retour des touristes peut prendre plusieurs mois voire plusieurs années. "Cela dépend généralement du retentissement médiatique que l’événement a eu sur le monde et de l’histoire du pays," explique Thomas Deschamps. Les attentats de janvier à Paris ont eu un impact modéré puisque le tourisme a retrouvé sa fréquentation normale après un semestre seulement. Mais les attentats du 13 novembre pourraient avoir des conséquences à plus long terme. Comme cela a été le cas pour New York qui a dû attendre quatre années avant de retrouver une stabilité de sa fréquentation touristique après les attentats du 11 septembre 2001. Certaines capitales ont néanmoins été moins sévèrement touchées par la désertion des touristes à l’instar de Londres ou de Madrid. La capitale britannique, qui a été frappée en juillet 2005 par des attentats terroristes, a retrouvé une situation normale l’année suivante. Et Madrid, qui a subi de plein fouet des attaques terroristes le 11 mars 2004 faisant 192 morts, n’a pas enregistré d’impact négatif sur son tourisme.
En attendant le retour des voyageurs à Paris, les pouvoirs publics français tentent de prendre des mesures. Le Premier ministre, Manuel Valls, est lui-même monté au créneau le 24 novembre, pour rassurer les touristes visitant l’Hexagone, rappelant que les mesures de sécurité avaient été considérablement renforcées pour les accueillir. Ainsi 3 000 militaires supplémentaires ont été déployés à Paris, les effectifs de police ont été triplés sur les sept zones touristiques que compte la capitale (Montmartre, Champs-Élysées, Champs-de-Mars, Musée du Louvre, Notre-Dame, Châtelet, Opéra) et le nombre de patrouilles de police a doublé dans les transports en commun. Des mesures de soutien au tourisme et au commerce vont être présentées, mercredi 25 novembre, en Conseil des ministres, selon l'ordre du jour de la réunion de l'exécutif.
La COP21 et Noël au centre de tous les espoirs
Seule lueur d’espoir pour les professionnels du tourisme : la COP 21 et l’arrivée de Noël. En dépit des attentats, les 147 chefs d’État et les 1000 maires attendus des quatre coins du globe ont maintenu leur présence au sommet parisien sur le climat. "Une bonne nouvelle pour le tourisme, se réjouit Nicolas Deschamps. L’événement pourrait redonner à la France une image positive."
Pour ce qui est de Noël, la magie semble pour le moment opérer. "Il y a une certaine forme d’attentisme qui prévaut pour le mois de décembre", explique le spécialiste de l’Observatoire parisien. Les compagnies aériennes qui ont enregistré 13 000 annulations de vols la semaine qui a suivi les attentats n’ont en effet enregistré que 1000 annulations pour le mois de décembre.
Autre bonne nouvelle : "L’année 2015 a été globalement bonne pour le tourisme, notamment cet été, indique Clément Laloux. Les professionnels pourront donc absorber les pertes enregistrées ces derniers jours, à condition que cela ne dure pas trop longtemps et qu’aucun autre événement tragique ne vienne endeuiller le pays."