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Salah Abdeslam, quatrième commando, Stade de France... les zones d'ombre de l'enquête

Une semaine après les attentats sanglants qui ont frappé Paris, de nombreuses interrogations subsistent malgré les avancées de l'enquête menée en France et en Belgique. France 24 fait le point sur les mystères entourant les investigations.

Les investigations sur les attentats meurtriers du 13 novembre à Paris avancent rapidement. Elles ont notamment permis de démanteler à Saint-Denis un réseau de terroristes responsables des attaques, parmi lesquels Abdelhamid Abaaoud. Mais plusieurs zones d’ombre subsistent, en particulier en ce qui concerne le déroulé des événements, l’identité de certains jihadistes et leur facilité à rejoindre l’Europe.

• Qui est le commanditaire ?

Une semaine après les attentats sanglants qui ont frappé la capitale française, l’identité du ou des commanditaires demeure inconnue. Selon "Le Parisien", les enquêteurs seraient sur le point d’identifier un "cerveau" parmi les supérieurs de l’organisation État islamique (EI), qui a revendiqué les attaques.

Exit donc l’hypothèse selon laquelle Abdelhamid Abaaoud, l’un des terroristes tués lors du raid policier du 18 novembre à Saint-Denis, a conçu et dirigé les opérations. Ce Belge de 28 ans, originaire de Molenbeek, commune de l’agglomération bruxelloise, ne serait en fait qu’un "coordonnateur". Des traces lui appartenant ont été retrouvées sur l’une des kalachnikov découvertes dans le véhicule utilisé par le "commando des terrasses". Un élément qui laisse penser qu’Abdelhamid Abaaoud a participé en tant que tireur aux attaques contre les bars des 10e et 11e arrondissements de Paris.

• Que s’est-il passé au Stade de France ?

Une semaine après les attentats, enquêteurs et experts ne parviennent toujours pas à comprendre pourquoi les trois kamikazes des abords du Stade de France ont déclenché leurs charges dans des lieux isolés, qui plus est à une heure de faible fréquentation. Alors qu'ils auraient pu provoquer un carnage et une panique mortelle, les terroristes ont fait une seule victime. "C’est incompréhensible, a confié une source policière à l'AFP. Il est miraculeux qu'il y ait eu si peu de victimes. Concrètement, ce qu'ils ont fait, à part se suicider, ça n'a aucun sens."

"Pour l'instant, l'hypothèse la plus probable, c'est qu'ils avaient pour consigne de taper à 21h20 pour se coordonner avec le Bataclan, ajoute un ancien spécialiste du renseignement, toujours à l'AFP. Ils n'étaient peut-être pas bien malins, ils n'avaient pas réussi à se positionner là où ils auraient dû, ils se sont fait péter à l'heure où on leur a dit..."

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Outre les motivations, l’identité de deux des kamikazes reste incertaine. Un seul d’entre eux a en effet été formellement identifié : Bilal Hadfi, un Français de 20 ans résidant en Belgique, qui était allé dans les zones de jihad en Syrie.

À côté du corps du deuxième kamikaze a été trouvé un passeport syrien au nom d'Ahmad al-Mohammad, un soldat mort de Bachar al-Assad. Selon ses empreintes, l’homme avait été contrôlé le 3 octobre sur l'île grecque de Leros, parmi les migrants fuyant la Syrie. Le mystère demeure sur sa nationalité comme sur son identité. Le dernier kamikaze du Stade de France est également un homme contrôlé le même jour au même endroit, où il a présenté un passeport syrien au nom de Mohammad al-Mahmod.

• Combien de terroristes ont participé aux attaques du 13 novembre ?

Au lendemain des attentats, le communiqué de revendication publié par l'EI évoque la participation de "huit frères". Parmi eux figurent les sept kamikazes dont les corps ont été retrouvés sur trois lieux d'attaques différents (trois à proximité du Stade de France, parmi lesquels Bilal Hadfi ; trois au Bataclan, dont Samy Amimour et Omar Ismaïl Mostefaï ; et un au Comptoir Voltaire, celui de Brahim Abdeslam). Le huitième homme pourrait être celui d'Abdelahamid Abaaoud, tué lors de l’assaut policier mené à Saint-Denis.

Les enquêteurs doutent toutefois que seuls huit terroristes aient pu être impliqués. Au centre des questions : l’identité des membres du commando ayant visé les terrasses des 10e et 11e arrondissements. Les témoins parlent de trois passagers dans la Seat noire ayant servi aux terroristes. Alors que la présence de Brahim Abdeslam et d’Abdelahamid Abaaoud dans le véhicule tend à se confirmer, le troisième homme reste à identifier. L’hypothèse selon laquelle le suspect en fuite, Salah Abdeslam, figurait parmi les passagers est de plus en plus mise en doute (voir plus bas). Reste qu’à ce jour, aucun avis de recherche autre que celui de Salah Abdeslam n’a été émis.

• Où est Salah Abdeslam ?

Le cas Salah Abdeslam constitue l’un des plus grands mystères des investigations. Les enquêteurs peinent à faire la lumière sur l’itinéraire et le degré d’implication de ce suspect-clé dont on a perdu la trace le 14 novembre. Son rôle s’est-il limité à celui d’un logisticien ou a-t-il pris les armes ?

De fait, Salah Abdeslam est apparu très vite dans l'organigramme des terroristes. C’est à son nom qu’ont été louées la Clio noire retrouvée dans le 18e arrondissement et la Polo du commando du Bataclan. Sa carte bancaire a quant à elle servi à régler deux chambres d'un appart-hôtel à Alfortville, près de Paris, où ont logé des assaillants peu avant les attaques.

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Longtemps considéré comme l’un des auteurs des expéditions meurtrières dans les 10e et 11e arrondissements, ce Français vivant à Molenbeek, en Belgique, aurait plutôt servi de conducteur aux trois kamikazes du Stade de France. Les enquêteurs se demandent si ce n’est pas lui qui était au volant de la Clio noire qu'il aurait garée le 13 novembre à 21h59 sur la place Albert-Kahn, avant de se faire "exfiltrer" vers 5 heures du matin par deux proches venus de Belgique et incarcérés depuis. Entre-temps, rapporte "L’Obs", le téléphone portable de Salah Abdeslam aurait été localisé dans le secteur de Montrouge-Châtillon, dans les Hauts-de-Seine.

Seule certitude : des papiers d'identité à son nom ont été présentés au lendemain des tueries aux gendarmes français lors d'un "simple" contrôle routier matinal à Cambrai sur la route de la Belgique. Ce n'est que plus tard que les gendarmes apprendront qu'il est recherché. Depuis, des opérations policières sont menées à Molenbeek pour le retrouver.

• Le 18e arrondissement de Paris était-il visé ?

Salah Abdeslam était-il l'homme chargé d'une attaque dans le 18e arrondissement mentionnée dans la revendication des attentats par l'EI, mais qui n'a jamais eu lieu ? C'est là en tout cas qu'a été retrouvée la Clio louée à son nom. Selon "L'Obs", il était lui aussi porteur d'une ceinture explosive et aurait pu "reculer" avant de passer à l'acte. Cette piste n'a toutefois pas encore été confirmée.

• La "quatrième équipe" se préparait-elle à frapper ?

L’assaut policier mené le 18 octobre contre un appartement du centre-ville de Saint-Denis a permis de mettre au jour une autre équipe de terroristes qui s’ajoute ainsi aux trois commandos ayant perpétré les attentats du 13 novembre.

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Après le raid, le procureur de la République, François Molins, a indiqué que l’armement et la "détermination" des individus appréhendés ou tués à Saint-Denis "laissent à penser qu’ils pouvaient passer à l’acte". Selon plusieurs médias, citant des sources policières, ce commando projetait de commettre un attentat dans le quartier d’affaires de la Défense ou à l’aéroport de Roissy. Une hypothèse qui, pour l’heure, n’a pas été confirmée par les enquêteurs.

• Comment les terroristes sont-ils parvenus à entrer en Europe ?

Alors que l’enquête a révélé qu'au moins deux des kamikazes du Stade de France ont suivi le chemin des migrants, de nombreuses interrogations subsistent sur le retour en Europe des terroristes pourtant connus des services de renseignements. Comment Abdelhamid Abaaoud et Sammy Amimour, qui faisaient tous deux l’objet d’un mandat d’arrêt international, ont pu se rendre de la Syrie jusqu’en France incognito ? "Nous ne le savons pas", a reconnu le Premier ministre français, Manuel Valls.

Selon toute vraisemblance, ce n’était pas la première fois qu’Abdelhamid Abaaoud était parvenu à rejoindre le Vieux Continent. Les services de sécurité pensent qu’il était revenu brièvement en Europe dès la fin 2013, puis une nouvelle fois avant l’attaque contre la rédaction du magazine français "Charlie Hebdo" en janvier 2015.

En février, alors qu’il venait d’échapper à la police belge à Verviers, Abaaoud confirmait dans une interview accordée au magazine de propagande jihadiste "Dabiq" être revenu en Europe, dont il nargue les failles sécuritaires. "J’ai vu tout à coup ma photo dans tous les médias mais, alhamdoulillah ["grâce soit rendue à Dieu"], les kouffar ["mécréants"] étaient rendus aveugles par Allah, y disait-il. J’ai même été arrêté par un policier qui a regardé la photo qu’il avait de moi, mais il n’a pas vu la ressemblance et m’a laissé repartir". Autant de défaillances que l'enquête saura peut être mettre à jour.