Qu’ils soient anonymes, regroupés en associations ou dirigeants d’instances représentatives, des Français de confession musulmane appellent à l’unité après les attentats de Paris. Et exhortent leurs coreligionnaires à s'élever contre le terrorisme.
"Salam alaykoum, les gens. Je fais cette vidéo par ce que j’en ai marre de voir tous ces attentats…" Dans un clip amateur publié mercredi 18 novembre sur Facebook, un habitant de Vénissieux, dans l’agglomération lyonnaise, exprime vertement son ras-le-bol. Ras-le-bol de ce qui s’apparente à "une guerre d’idéologie qui risque de faire très très mal", ras-le-bol de "ces pseudos-musulmans qui salissent deux milliards de musulmans".
Seul face à la caméra de ce qui semble être un téléphone portable, il ne fait pas seulement part de son désarroi mais lance un appel : "Moi, je m’adresse à tous les musulmans de France, protégeons notre belle religion, allons traquer ces imposteurs qui se font passer pour des musulmans en tuant des gens."
"La solution, elle viendra de nous, musulmans de France"
En moins de 20 heures, l’intervention d’Akim Bechmella a été visionnée plus d'un million de fois et partagé massivement sur les réseaux sociaux. Une viralité qui peut s’expliquer par le fait que le jeune homme n’invite pas seulement ces coreligionnaires à condamner les attentats sanglants qui ont frappé Paris et Saint-Denis le 13 novembre mais à tout mettre en œuvre pour lutter contre le terrorisme. "C’est à nous, musulmans qui allons à la mosquée, musulmans qui prônons les valeurs de la République, de faire le ménage et de traquer ses fils de p***, dit-il dans un langage fleuri. C’est à nous, lorsqu’on voit la moindre chose louche, d’en référer aux autorités […] C’est à nous de ne pas rester sourd, muet et aveugle. Rentrons-leur dans le lard. La solution, elle viendra de nous, musulmans de France."
Cette vidéo spontanée intervient alors que plusieurs responsables politiques français, à l’instar de Jean-Pierre Raffarin, appellent les "musulmans républicains" à se faire entendre. "Il est essentiel qu'il y ait un signal comme quoi le radicalisme est une pathologie de l'islam, que ce n'est pas l'islam et les musulmans modérés, tempérés, laïques, républicains doivent se faire entendre, doivent être vus dans la société" pour "bien montrer qu'il s'agit d'une dérive et que nous voulons tous ensemble la combattre", a exhorté, jeudi, le sénateur Les Républicains (LR, opposition) de la Vienne.
Les musulmans français n’ont toutefois pas attendu les appels du pied des politiques pour se manifester. Mardi, quatre jours après les attaques, les Étudiants musulmans de France (EMF) ont diffusé une vidéo dans laquelle ils expriment leur émotion à la manière d’un slam. "J’ai mal à ma France, ils voulaient affaiblir la France, ils ont renforcé le cœur de Français" dit une voix-off. À l’image se succèdent plusieurs étudiants brandissant une pancarte sur laquelle est affiché le mot-clé #NousSommesUnis.
Dans un communiqué publié sur son site Internet, l’association EMF "condamne fermement la vague de violence qui a secoué la capitale. Rien, aucun principe, aucune souffrance, ni aucun mal être, ne peut justifier l’inhumanité, la violence et la terreur des actes qui ont été commis." Puis appelle "à la fermeté en matière de lutte contre le terrorisme".
"Nous sommes tous des victimes de cette barbarie"
Mercredi, sur l’antenne de France 24, Mohamed Chirani, ancien délégué du préfet de la Seine-Saint-Denis, a également appelé les musulmans à se mobiliser contre la terreur fondamentaliste. "Malheureusement, la communauté musulmane et nationale est aujourd’hui prise en otage par de la racaille, par des délinquants, par des ‘bâtards identitaires’". Et d’ajouter : "Notre modèle est supérieur à Daech [autre nom de l’organisation État islamique], supérieur à la vision sectaire et binaire de Daesh. Il y a la civilisation, l’humanité qui fait face à la barbarie. Il n’y a pas l’Occident contre les musulmans ou les musulmans contre l’Occident car le terrorisme tue 9 personnes de confession musulmane sur 10 tous les jours. Il faut le rappeler à nos concitoyens, il faut le rappeler haut et fort".
Plus officiellement, lundi, le recteur de la grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a exprimé sa "solidarité", son "désarroi" et son "rejet devant ces actes innommables" qui ont fait "des victimes absolument innocentes". Après avoir appelé les imams à participer, vendredi, à une prière solennelle "pour marquer notre compassion et participer à la douleur des familles", l’ancien président du Conseil français du culte musulman (CFCM) a rappelé l’urgence de garantir l’unité en ces temps de douleur collective. "Nous, musulmans de France, nous ne pouvons qu'insister sur la cohésion nationale pour refuser ensemble ce malheur qui nous frappe et nous attaque indistinctement" […] "Nous sommes tous des victimes de cette barbarie."