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Le Bataclan, une scène mythique plusieurs fois menacée

Le 13 novembre 2015, les terroristes de l’EI ont attaqué le Bataclan, une adresse historique de la musique et de la nuit parisienne qui avait déjà fait l’objet de multiples menaces ces dernières années.

Quatre terroristes ont massacré  près de cent personnes dans l’enceinte du Bataclan où le groupe de rock californien Eagles of Death Metal se produisait devant près de 1 500 personnes le 13 novembre. Cette mythique salle parisienne a –t-elle été choisie au hasard par les terroristes ? Peu probable d’après les revendications de l’organisation de l’État islamique (EI) qui précise dans son communiqué que ses cibles ont été choisies "minutieusement à l’avance", qualifiant le Bataclan de lieu "où étaient rassemblés des centaines d’idolâtres dans une fête de perversité".

On savait déjà que les salles de concert risquaient d'être des cibles privilégiées des jihadistes. Des individus ont  fait circuler ces derniers mois sur les réseaux sociaux une photo de concert intitulée "Le Jihad c’est pas qu’en Syrie", estampillée d’une image de grenade avec une légende macabre : "Facile à dissimuler, parfaite contre une masse de kufar [mécréants]".

Une salle plusieurs fois menacée

Le Bataclan a fait, depuis 2007, l’objet de menaces récurrentes en raison du supposé sionisme de son ex-propriétaire, Joël Touitou. En 2008, des groupes de militants pro-palestiniens ont dénoncé la tenue annuelle dans la salle d’un gala organisé par l’association sioniste "Migdal" en l’honneur du Magav, la police aux frontières israéliennes.

Le 20 décembre, un groupe d’hommes, visages camouflés par un keffieh, se sont rendus devant l’établissement pour demander l’annulation du gala, sous menace de représailles : "C’est un message qui s’adresse au directeur du Bataclan et au Migdal, cette organisation pro-israélienne, raciste et islamophobe […] Vous allez payer la conséquence de vos actes. Dans les quartiers, ça bouge et ça chauffe. La prochaine fois, on ne viendra pas pour parler", avertissaient-ils dans une vidéo. Le gala avait finalement été annulé.

En 2011, la Direction générale de la sécurité intérieure (DCRI) apprend par ailleurs que le groupe salafiste syrien "Jaish al-Islam" [l’Armée de l’islam], soupçonné d’être derrière l’attentat qui a coûté la vie à une étudiante française au Caire en février 2011, fomentait "un projet d'attentat contre le Bataclan" au motif "que ses propriétaires sont juifs ".

L’ex-propriétaire réfute un motif antisémite

Le Bataclan a cessé d’organiser le gala du Magav en 2011 et la menace semblait depuis s’être estompée.  Le Jerusalem Post note néanmoins que le groupe de rock "Eagles of Death Metal" a effectué une tournée en Israël cet été, ce qui a valu au groupe plusieurs appels au boycott qui ne l'ont pas empêché de s'y produire.

Joël Touitou, ex-propriétaire du Bataclan revendu en 2015 au groupe Lagardère, a toutefois estimé qu’“il ne peut pas y avoir de lien de cause à effet” entre la programmation du groupe et l’attentat. “Nous avons accueilli des chanteurs juifs et des associations juives, nous ne nous en cachons pas”, a indiqué Touitou, “s’ils avaient vraiment voulu tuer des Juifs, ils auraient choisis un autre jour que le vendredi soir. Ce n’est pas un acte antisémite", a-t-il déclaré dimanche sur i24news – la chaîne israélienne francophone.

Le producteur de spectacle et co-gérant du Bataclan Dominique Revert évacue lui aussi cette hypothèse, estimant que c'est un symbole de la France qui a été touché. "Honnêtement, là, c'était la Syrie, pas la Palestine, ce n'est pas la même chose. C'était contre la France ces attentats, contre la soi-disant dépravation de la France, la dépravation du rock", a-t-il déclaré à l'AFP dimanche.

Mythique scène du rock

Depuis les années 1980, le Bataclan est en effet un haut lieu de la scène rock parisienne. Plus généralement, cette scène vit depuis un siècle et demi au rythme de l’effervescence artistique. Edifiée en 1864, la salle alors nommée "Ba-ta-clan", d’après une opérette d’Offenbach, programmait à ses débuts des vaudevilles et des opérettes. Elle a ensuite connu de nombreux changements, au gré de ses propriétaires, devenant tour à tour théâtre puis cinéma.

Partiellement détruite en 1933 par un incendie, elle est restaurée dans les années 1950 et renoue avec la musique dans les années 1970. En 1972,  Lou Reed, John Cale And Nico y enregistre le live "Bataclan'72". Dans les années 1980, la salle surfe sur la mode punk sans se fermer aux autres influences. Elle a accueilli des artistes aussi divers que Cesaria Evora, Snoop Dogg, Prince ou Stromae.

Aujourd'hui, nul ne peut prédire ce que deviendront les lieux. Selon le producteur Dominique Revert, le Bataclan rouvrira ses portes à une date indéterminée. "Les concerts ne vont pas reprendre avant quelques semaines, voire quelques mois. Le personnel et les dirigeants ne sont pas en l'état, ni physiquement ni moralement. Mais elle va rouvrir un jour", confie-t-il à France 24.  Il faudra de toute façon du temps pour pouvoir retourner y danser le cœur léger. Si c'est jamais possible.