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Après son agression, l’actrice de "Much Loved", Loubna Abidar, quitte le Maroc

La comédienne marocaine Loubna Abidar, premier rôle du film "Much Loved", long-métrage sur la prostitution, a décidé de quitter le Maroc après avoir été agressée à Casablanca la semaine dernière. L'actrice de 29 ans s’est réfugiée en France.

Elle est arrivée dimanche 8 novembre à Paris après avoir été violemment agressée à Casablanca, au Maroc. Loubna Abidar, actrice marocaine, célèbre depuis qu'elle a campé le rôle d’une prostituée dans le film "Much Loved" de Nabil Ayouch, a décidé de quitter son pays natal, a-t-elle écrit dans une tribune publiée sur le site internet du "Monde".

Depuis la présentation du film au festival de Cannes en mai dernier, la vie de la comédienne est quotidiennement émaillée d'insultes et de menaces de mort. "On s’attaque à moi pour un rôle que j’ai joué dans un film que les gens n’ont même pas vu", écrit-elle. Le film a en effet été censuré par les autorités marocaines.

>> À (re)lire sur France 24 : "Much Loved" : l'anti "Pretty Woman" que le Maroc ne veut pas voir

"Tu finiras comme Abida"

Dans ce réquisitoire contre une partie de la société marocaine, conservatrice et rétrograde, la comédienne de 29 ans explique ne pas avoir eu le choix de son exil. Elle y exprime son désespoir de vivre dans un pays où les "femmes libres dérangent" et où son nom est associé à celui de "sale pute" des "milliers de fois par jour". "Quand une fille se comporte mal, on lui dit ‘tu finiras comme Abidar’ […] Pendant des semaines, je ne suis pas sortie de chez moi, ou alors uniquement pour des courses rapides, cachée sous une burqa (quel paradoxe, me sentir protégée grâce à une burqa…)", peut-on encore lire dans son témoignage.

>> À voir sur France 24 : "Nabil Ayouch : 'Je présente les prostituées marocaines comme des guerrières'"

Loubna Abidar avait été violemment agressée par trois jeunes "enivrés" à Casablanca, la semaine dernière. Arcade sourcilière ouverte et visage tuméfié, l’actrice de 29 ans était apparue en larmes dans une vidéo publiée vendredi 6 novembre sur Facebook (voir ci-dessous). Après cette agression, l’actrice a raconté comment médecins et policiers ont refusé de l’aider. "Les médecins à qui je me suis adressée pour les secours et les policiers au commissariat se sont ri de moi, sous mes yeux. Je me suis sentie incroyablement seule…"

Loubna Abidar raconte son agression

"[Le Maroc], c'est mon pays, je l'aime [...] Mais je ne peux plus vivre dans la peur"

Arrivée le dimanche suivant à Paris pour se faire soigner, la comédienne avait alors expliqué avoir été la cible d'une "campagne de détestation" et d'un "mouvement de haine" sur les réseaux sociaux et dans la population marocaine. "J’ai décidé de quitter le Maroc. C’est mon pays, je l’aime, j’y ai ma vie et ma fille, j’ai foi en ses forces vives, mais je ne veux plus vivre dans la peur."


Mise au ban de la société, l’actrice a expliqué aux médias avoir été rejetée par sa propre famille. "À l’exception [de ma mère] de mon frère et de ma sœur, le reste de ma famille, cousines, cousins, tous m’ont tourné le dos", a-t-elle confié à "Gala". Sa fille de six ans vit sous protection policière. "Au début, je l’ai envoyée chez son papa, au Brésil, pour qu’elle soit épar­gnée pendant toute cette période diffi­cile. Mais là, elle est retour­née à l’école. Elle est sous surveillance avec garde du corps et chauf­feur."

Le réalisateur Saïd Naciri, prédateur sexuel ?

Les critiques ne se limitent pas à la foule des anonymes, l’actrice s’est également vu dénigrer par un célèbre animateur de talk show marocain, Rachid Allali, qui a refusé de l’inviter à son émission pour ne pas "salir les sièges". Pis, le réalisateur et humoriste marocain Saïd Naciri - qui l’avait déjà engagée sur un précédent long-métrage - a même accusé la jeune femme de se prostituer. Cet artiste marocain avait déjà créé la polémique au début de l’année lorsque Loubna Abidar, alors inconnue du grand public, l’avait accusé d’harcèlement sexuel lors du tournage du film.

Loubna Abidar a décidé d'annuler sa venue aux Journées cinématographiques de Carthage, l'un des plus importants festivals de Tunisie, qui se dérouleront du 21 au 28 novembre.

Sorti dans les salles françaises le 16 septembre dernier, "Much Loved" a défrayé la chronique au Maroc, où il a été interdit et a fait l’objet de plaintes, notamment pour incitation à la prostitution. Dans une scène, la prostituée campée par Loubna Abidar se fait violer par un policier dans un commissariat de Marrakech.

Avec AFP