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La Chine présente son concurrent à l'Airbus A320 et au Boeing B737

Le C919, premier concurrent chinois du Boeing B737 et de l'Airbus A320, a été présenté lundi. Pékin espère prouver avec ce projet industriel que le pays n'est plus simplement l'empire du low cost.

Le rideau rouge s'est littéralement levé, lundi 2 novembre, sur la star chinoise du moment : le C919, le premier avion moyen-courrier "made in China". Pékin avait installé un décorum très théâtral dans un immense hangar près de Shanghaï, pour y célébrer devant plusieurs centaines d'officiels du régime la naissance de ce géant volant de 39 mètres de long.

Certes, le premier vol d'essai du C919 n'est pas prévu avant mi-2016 au plus tôt. Mais le pouvoir a voulu soigner la première apparition en public de cet avion d'une capacité de 168 passagers. "C’est l'un des projets industriels les plus importants de ces dix dernières années aux yeux de Pékin", souligne Jean-François Dufour, directeur du cabinet de conseil DCA Chine-Analyse, contacté par France 24.

A pour Airbus, B pour Boeing, C pour Comac

Assemblé par le Chinois Comac, il est destiné à faire de l'ombre aux deux "stars" de l'aviation civile moyen-courrier, l'Airbus A320 et le Boeing B737. Il pourra transporter environ le même nombre de passagers que ses concurrents (168) et sera légèrement plus rapide qu’eux en vitesse de croisière (960 km/h contre un peu moins de 900 pour les deux autres avions).

Lorsque le projet a été lancé en 2008, "les responsables assuraient que dans le futur, il y aurait le A pour Airbus, le B pour Boeing et le C pour Comac", raconte Jean-François Dufour. Le C919 est donc destiné à devenir un symbole de fierté nationale qui fera de la Chine le troisième homme du secteur, derrière les États-Unis et l'Europe.

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Pékin n'a pas choisi par hasard de faire de l'aéronautique une priorité industrielle. Si la Chine réussit à s'imposer dans ce secteur très concurrentiel et haut de gamme, "elle prouvera une fois pour toute qu’elle n’est plus seulement le pays du low cost", explique Jean-François Dufour. L'économiste souligne que Pékin insiste beaucoup sur la plus-value technologique des matériaux utilisés, qui visent notamment à optimiser au maximum la consommation de carburant.

Le C919 doit devenir le miroir de la Chine 2.0, qui n'a plus grand chose à voir avec l'image d'immense atelier de confection pour T-shirts à bas prix qui a encore la vie dure. "Le secteur du transport aérien ne peut se reposer uniquement sur des importations. Une grande nation se doit d'avoir son propre grand appareil commercial", a ainsi assuré Li Jiaxiang, patron de l’aviation civile chinoise.

Mais cet avion, dont le budget de fabrication est estimé à 8 milliards de dollars, n'est pas 100 % d'origine chinoise. "La conception et l'assemblage le sont, mais beaucoup de sous-traitants occidentaux sont intervenus pour la construction des diverses parties de l’appareil", souligne Jean-François Dufour. Les moteurs sont, notamment, fabriqués en partie par l'Américain General Electric et le Français Safran, au sein de leur co-entreprise CFM International.

Boeing et Airbus ont encore du temps pour riposter

Les partenaires internationaux savent que le marché chinois de l'aviation va rapidement prendre son envol et que le C919 va en profiter. Boeing estime ainsi que la Chine aura besoin de 6 330 avions sur les vingt prochaines années pour satisfaire la demande intérieure.

La Comac peut aussi remercier l'État. Elle a aussi déjà reçu 517 commandes pour un appareil qui n’a même pas encore pris une seule fois son envol. "La plupart des commandes viennent de banques chinoises", souligne l’économiste français. Ces établissements financiers, qui dépendent tous du régime, mettront ensuite les avions en location-vente pour des compagnies principalement chinoises.

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Le C919 peut rapidement devenir une machine à profits. Mais une grande incertitude plane encore au-dessus des ambitions de Pékin : la mise en service du C919.

À l’origine, le premier vol d’essai devait intervenir avant la fin de cette année. Si les projections les plus optimistes évoquent dorénavant l’été 2016, d’autres estiment qu'il faudra plutôt attendre début 2017. Un seul vol d’essai ne suffira pas, en outre, à rassurer les clients potentiels de la Comac et les experts misent sur des premières livraisons à partir de 2019.

Pour Jean-François Dufour, il y a en outre "toujours des délais supplémentaires pour les nouveaux avions et la Chine, pour qui c’est une première, ne devrait pas faire exception". Pékin vise peut-être à faire de l’ombre à Boeing et Airbus, mais les deux mastodontes ont encore quelques années pour préparer leur riposte.