
Malgré l'entrée de la Roumanie au sein de l'Union européenne, les Roms restent indésirables dans de nombreux pays du Vieux Continent. Reportage à Saint-Denis, en banlieue parisienne, où Médecins du monde a installé un camp.
La nationale est leur jardin, l’autoroute leur ligne d’horizon. Une dizaine de familles de Roms viennent de s’installer à Saint-Denis, en banlieue parisienne, dans un camp monté en urgence par Médecins du monde (MDM), dans la nuit du 26 au 27 mai.
Après avoir été contraint de quitter, le 23 mai, un entrepôt de Bobigny ravagé par les flammes, puis un hangar de Gennevilliers, les 116 personnes - dont 41 enfants et 5 femmes enceintes - se contentent de peu. Situé à trois stations de métro de Paris, le terrain qu’ils occupent n’a ni eau courante ni électricité. Seuls des sanitaires de chantiers, qui, accessoirement, servent de but de football, ont été installées sur le site.
"On est en France et pourtant, nous avons déployé les mêmes moyens que dans les camps de réfugiés à l’international", constate Stéphanie Laudrel, coordinatrice de MDM.
Les femmes, restées au camp pendant que les autres "travaillent" (vendre de la ferraille, mendier…), brûlent des bouts de plastique récupérés dans les ordures qui les entourent pour faire chauffer le café. Par terre, une tête de poupée arrachée à son corps attend d'être envoyée au bûcher.
"Pire que sous Ceausescu"
Au cours de ces deux derniers mois, les Roms se sont faits expulser cinq fois, jusqu’à l’incendie du 23 mai. L'entrepôt qu'ils occupaient à Bobigny, en Seine-Saint-Denis, a pris feu un samedi après-midi. Diego, un garçon de 7 ans, y a perdu la vie. Sa famille a accepté la proposition de retour humanitaire en Roumanie. Les autres ont refusé.
"En Roumanie, on meurt de faim. Au moins ici, on peut se débrouiller", raconte Mariana, 37 ans et mère de sept enfants. Elle a quitté la Roumanie il y a quatre ans, depuis elle n’arrête pas de bouger : Espagne, Portugal et enfin la France. Ici, on est bien, sauf la police. C’est pire que sous Ceausescu !" lance-t-elle.
Une accusation pondérée par les chargés de mission de MDM qui affirment ne jamais avoir assisté à de scènes de violences. Un responsable de la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) des Hauts-de-Seine affirme que la dernière expulsion de Gennevilliers s’est faite "dans les règles de l’art", au seul motif d’une "occupation illégale de territoire".
Selon Stéphanie Laudrel, la préfecture des Hauts-de-Seine "n’a cherché qu’à refiler le bébé" en raccompagnant les Roms aux frontières du département. Interrogée par FRANCE 24, la préfecture a refusé "d’alimenter la polémique".
Errance forcée
L’entrée de la Roumanie en Europe n’a rien changé pour les Roms. Ils ont obtenu la libre circulation mais souhaiteraient ne plus être ballotés de pays en pays et n’aspirent qu’à s'établir.
Condamnée à errer de hangars en bidonvilles, Mariana n’a aujourd’hui qu’un vœu à formuler : se stabiliser et ne plus être chassée. "Je veux que mes enfants arrêtent de dormir tout habillés de peur d’être à nouveau expulsés au milieu de la nuit."
Deux responsables de la Direction départementale de l’équipement (DDE) viennent d’arriver pour vérifier que le terrain occupé est bien en règle… Les enfants ne sont pas prêts de remettre un pyjama.