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Prix Nobel de la paix : le dialogue national tunisien hissé au rang d'exemple

Le quartette du Dialogue national tunisien a reçu vendredi le prix Nobel de la paix. Une façon de récompenser la transition démocratique mise en place en Tunisie dès 2013, notamment grâce à une conciliation avec le parti islamiste au pouvoir.

En 2013, deux ans après le renversement de Zine el-Abidine Ben Ali lors de la révolution de jasmin en Tunisie, le ciel s’assombrissait au dessus de la tête des Tunisiens. Suite aux assassinats, en février et en juillet, de deux opposants au pouvoir, des milliers de manifestants réclamaient, via des sittings spectaculaires, la chute du gouvernement de la troïka dirigée par les islamistes d'Ennahda. À l’époque, les contestataires de 2011 criaient au vol des idéaux de leur révolution.

Vendredi 9 octobre 2015, c'est la transition démocratique menée dans ce pays qui a été récompensée au plus haut niveau avec l’attribution du prix Nobel de la Paix au Dialogue national tunisien. Ce quartette, créé au cours de l’été 2013 par quatre organisations, a permis de dénouer un blocage politique inquiétant pour l’avenir de la Tunisie.

Ces quatre organismes – l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, le Syndicat du patronat (Utica) et l'Ordre des avocats – composent le dialogue national tunisien. Celui-ci a favorisé les liens entre deux ennemis jurés : Ennahda, au pouvoir, et Nidaa Tounès, parti d’opposition, anti-islamiste. Les objectifs étaient à moyen terme d’obtenir la démission du gouvernement, de finaliser la rédaction de la nouvelle Constitution et de mettre en place des élections.

Le dialogue avec les islamistes est "possible"

"Le rôle joué par le quartette a été absolument essentiel. Il est littéralement allé chercher les gens dans leurs bureaux pour qu’ils se parlent entre partis politiques", explique Sandro Lutyens, correspondant de France 24 à Tunis.

Cette médiation ne tardera pas à donner des résultats. En janvier 2014, Ali Larayedh, alors Premier ministre issu des rangs d’Ennahda, annonce sa démission, conformément à un accord signé par la classe politique. Dans le même temps, la nouvelle Constitution tunisienne est adoptée par les députés. Dix mois plus tard, les premières élections législatives organisées depuis la révolution de 2011 ont lieu dans ce pays berceau des printemps arabes.

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Une réussite indéniable pour le quartette. "Ces organismes ont permis une fluidification du dialogue politique. Ils ont réussi à rassurer la population et ont permis de croire que le processus démocratique était possible", commente Armelle Charrier, spécialiste de politique internationale à France 24.

Mieux encore, cette médiation a démontré qu'il était "possible de dialoguer" avec les islamistes, a expliqué la présidente du comité Nobel, Kaci Kullmann Five, à l'AFP.

"Ce que l'on a vu en Tunisie, c'est que des partis islamistes (...) ont réussi à s'asseoir, à mettre de côté certaines des choses qu'ils exigeaient par exemple dans la Constitution, à écouter les autres, à tomber d'accord avec eux, à trouver un consensus qui a fini par garantir les droits fondamentaux de tout le monde en Tunisie, y compris les femmes", a-t-elle souligné.

"La Tunisie a été emblématique"

Si le dialogue démocratique tunisien a tout particulièrement été salué par le comité Nobel vendredi, c’est également parce que la Tunisie est pour l'heure le seul pays arabe au sein duquel la démocratie a pu être mise en place après avoir connu une révolution.

"Nous n’avons pas vu ce cap démocratique franchi dans d’autres pays ayant connu un printemps arabe, comme la Libye ou encore l’Égypte, où les militaires ont succédé aux Frères musulmans au pouvoir", explique encore Armelle Charrier. La Syrie, autre pays ayant expérimenté une révolution politique dans le sillage du soulèvement tunisien, a depuis sombré dans le chaos de la guerre civile.

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"Chaque pays a sa propre situation mais sur le processus démocratique, la Tunisie, qui connaît encore des problèmes maintenant, a été tout à fait emblématique", poursuit la journaliste de France 24.

Ces louanges interviennent néanmoins dans un contexte extrêmement difficile pour le pays qui fait toujours face à d’importants défis, tempère le correspondant de France 24 Sandro Lutyens.

Ces derniers mois, deux attentats sanglants – le premier en mars au musée du Bardo, le second en juin dans un hôtel de Sousse – ont fait 50 morts et remis la menace jihadiste sur le devant de la scène.