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Comment rendre virale une vidéo sur le réchauffement climatique, par Nicolas Hulot

Héraut de la lutte contre le réchauffement climatique, Nicolas Hulot a diffusé une vidéo sur la Toile qui a été partagée près de 4 millions de fois en 24 heures. Un buzz qui faisait rêver cette figure de la scène écologiste française.

Le nom de Nicolas Hulot est sur toutes les lèvres. L’ancien animateur de TF1, reconverti en figure de la lutte contre le réchauffement climatique, est cette fois la star d’un autre écran, la Toile. La vidéo diffusée, mercredi 7 octobre, "Break The Internet", dont il est le personnage principal, a créé un incroyable buzz. Ou ramdam, en français.

En 24 heures, la vidéo a été partagée près de quatre millions de fois, tous supports confondus. On y voit un Nicolas Hulot, tout penaud, faire appel à une agence de communication pour atteindre le Saint Graal de tout écologiste : toucher du doigt les "jeunes", cette génération fin de l’adolescence-trentaine qu’on décrit souvent, sans doute à tort, comme peu intéressée par les problématiques environnementales. "C’est un sujet grave et complexe", explique, enjoué, David Coscas, alias McFly et réalisateur du clip. Comment, mieux que par l’humour - notre meilleure arme - aborder une matière aussi technique et diffuser le message primordial, tant pour Nicolas Hulot que pour les jeunes cinéastes, à savoir que le moment est venu de se mobiliser ? Que ce n’est déjà plus une simple responsabilité envers les générations futures ?

Une telle exposition médiatique pour la lutte contre le réchauffement climatique, Nicolas Hulot en rêvait. Lui qui d’animateur d’Ushuaïa sur TF1 est devenu l’une des figures les plus prépondérantes de la scène écologiste française. Après son éphémère passage par Europe écologie-Les Verts (EELV), on sentait le sexagénaire en perte de vitesse. Mais face à la déliquescence des écolos, Nicolas Hulot, par ailleurs nommé envoyé spécial pour la protection de la planète par François Hollande, se révèle finalement être le meilleur choix pour la promotion de la COP21, ce rendez-vous international au nom "un peu nul" comme le suggère si bien la vidéo en question.

Hulot : "Je ne suis pas le plus marrant"

Pour comprendre à quel point ce succès phénoménal était inespéré, il faut remonter quatre mois en arrière. L’équipe de Nicolas Hulot, consciente de la difficulté de mobiliser les masses à l’approche de la COP21, contacte Golden Moustache, la plateforme de contenus humoristiques sur Internet, lancée par M6 en 2012. Son directeur, Adrien Labastire, est tout de suite emballé. Il souhaite venir en aide à la fondation Nicolas Hulot pour diffuser ce message d’urgence face au changement climatique.

Il invite donc Hulot à venir raconter son parcours, son combat, face aux internautes influents, rassemblés dans une même pièce. Journalistes de mademoizelle.com, développeurs de Twitter France, talents YouTube, tous écoutent l’ancien photographe pendant deux heures. "Très vite, il a reconnu : ‘Je ne suis pas le plus marrant, ni le plus apte à parler aux jeunes’", se souvient David Coscas, directeur artistique de Golden Moustache et qui compte plusieurs millions de vues sur sa chaîne YouTube, le Fat Show.

"Ça faisait longtemps que je voulais réaliser des vidéos sur l’écologie, en tant que cause, pas en tant que parti politique", tient à préciser le jeune homme. Ni une, ni deux, McFly se présente à Hulot, lui expose ses idées. Adrien Labastire lui confie la direction artistique du projet, qui sera bénévole du début à la fin.

Ensuite, tout est allé très vite. De la première réunion en juillet au tournage lors des deux jours libérés par Hulot dans son calendrier quasi-ministériel, il s’écoule une poignée de semaines. Le 28 août, tout est dans la boîte. Dans l’intervalle, la petite équipe d’auteurs réunis autour de David Coscas (Valentin Vincent, Clémence Bodoc et Lucien Maine) constate avec surprise que l’équipe Hulot valide dans les grandes lignes le tout premier scénario, pourtant rempli de références web que Nicolas n’a que rarement croisées. "J’avoue que je n’y comprends rien mais si vous trouvez ça marrant, on fonce." "Ils étaient les premiers surpris", raconte, hilare, Matthieu Orphelin, porte-parole de la Fondation Hulot.

"Au-dessus de tout ce qu’on pouvait espérer"

Pour foncer, l’ancien animateur télé fonce. "Après 25 ans devant la caméra, il est fort, très fort, raconte David Coscas. Mais aussi très humble, un peu stressé de ne pas connaître cet univers. Il se remettait complètement en question à la veille d’un événement capital pour lui, la COP21." Après une heure en tête à tête, acteur et réalisateur sont prêts. Et malgré le bourdonnement incessant du téléphone de Nicolas Hulot, en 48 heures, l’affaire est réglée.

Le mois de septembre est consacré à la post-prod. Nouvelle surprise pour l’équipe lorsqu’après une semaine de montage, "quatre ou cinq jours de FX" (effets spéciaux) et une journée d’étalonnage, McFly envoie la première version à la Fondation Nicolas Hulot. Une seule remarque sur la bande son. L’équipe de Golden Moustache reste ahurie. "Je n’avais jamais eu si peu de retouches à faire. On était dix fois plus perfectionnistes de notre côté mais Nicolas Hulot, lui, nous disait : ‘Je vous fais confiance’", raconte le réalisateur.

Troisième surprise, enfin, celle qui agite la Toile depuis jeudi 7 octobre. Près de quatre millions de vues aux dernières nouvelles, des milliers de commentaires encourageants sur Facebook et YouTube alors que les internautes sont souvent bien plus mordants et dépréciateurs.

Comme son nom le laissait présager, la vidéo a littéralement cassé Internet. Un petit bout du réseau, en tout cas. Jeudi dans l’après-midi, le site de la Fondation Hulot ne répondait plus, croulant sous les tentatives de connexion. "Ça nous dépasse", avoue Matthieu Orphelin. Impossible pour le moment d’évaluer le nombre de signatures qu’aura générées "Break The Internet", mais "ça sera largement au-dessus de tout ce qu’on pouvait espérer". Il n'y a plus qu’à faire en sorte que les hommes politiques agissent. Le message que Nicolas Hulot voulait faire passer aux jeunes générations, en somme.