La Maison Blanche n'a pas présenté de plan de fermeture de Guantanamo à temps pour l'intégrer à la loi de finance 2016, mais la presse américaine a révélé vendredi qu'elle étudiait la piste du Colorado pour le transfèrement des prisonniers.
Fermer Guantanamo. C'était l’une des promesses phares de Barack Obama lors de sa campagne pour l’élection présidentielle de 2008. Elle fut même suivie d’un ordre exécutif en janvier 2009. Mais pourtant, près de sept ans et une réélection plus tard, rien, ou presque, n’a changé. Certes, le nombre de détenus, qui était monté jusqu’à 680 en 2003, est tombé à 114 et le transfert de prisonniers vers d’autres pays se poursuit. Mais aucun plan sérieux de fermeture n’a été mis sur la table par la Maison Blanche et alors qu’il ne reste que quinze mois de mandat au président américain, les chances de voir ce "goulag des temps modernes", selon l’expression d’Amnesty International, fermer ses portes avant 2017 s’amenuisent.
Barack Obama vient en effet de laisser passer une nouvelle occasion. Les parlementaires américains ont annoncé, mardi 29 septembre, qu'ils reconduiraient d'un an l'interdiction de transférer aux États-Unis des détenus de la prison de Guantanamo. La raison ? Aucun plan de fermeture de la prison, située sur l’île de Cuba, n’est arrivé au Congrès avant mardi, jour de présentation de la proposition de loi sur la Défense 2016, dans laquelle sont réinscrites ces restrictions qui datent de 2011.
"Si l'administration se plaint des mesures concernant Guantanamo, c'est de sa faute, car elle n'a jamais présenté de plan, alors qu'on aurait probablement pu le soutenir pour régler enfin ce problème", a déclaré le sénateur républicain John McCain, président de la commission de la Défense du Sénat, favorable à la fermeture de la prison.
Le porte-parole de la Maison Blanche, Josh Earnest, avait pourtant assuré fin juillet que "le gouvernement [mettait] la dernière main à la préparation d’un plan visant à [fermer] de manière responsable et sûre la prison de Guantanamo et à le présenter au Congrès". Plus de deux mois après cette déclaration, force est de constater que l’exécutif américain n’avait pas anticipé les complications liées à ce dossier épineux.
Des fuites dans la presse américaine font toutefois état de plusieurs pistes. Sur les 114 prisonniers toujours détenus à Guantanamo, Barack Obama espère obtenir le transfèrement vers d’autres pays de 53 d’entre eux. Celui du Britannique Shaker Aamer a d’ailleurs été annoncé le 25 septembre. Dix autres détenus ont par ailleurs été inculpés pour des actes de terrorisme ou des actes hostiles contre les États-Unis et sont dans l’attente d’un procès. Reste donc le cas problématique de 51 détenus pour qui l’envoi vers un autre pays n’a pas été jugé acceptable. On retrouve notamment parmi eux 24 personnes originaires du Yémen, l’un des quatre pays avec la Libye, la Syrie et la Somalie où les transfèrements sont interdits car leur situation sécuritaire rend tout contrôle impossible.
Les détenus de Guantanamo transférés dans le Colorado ?
Le but poursuivi par la Maison Blanche et le Pentagone est de trouver sur le territoire américain une prison de très haute sécurité où incarcérer cette cinquantaine d’individus jugés très dangereux. Deux lieux étaient à l'étude cet été : la prison militaire de Fort Leavenworth, dans le Kansas, et celle de Navy Brig, à Charleston, en Caroline du Sud. Et de nouvelles prisons potentielles sont à l’étude, cette fois-ci dans le Colorado, ont révélé, vendredi 2 octobre, le "New York Times" et le "Wall Street Journal".
Après avoir rencontré une vive opposition des élus du Kansas et de Caroline du Sud au transfèrement des détenus de Guantanamo dans leurs États respectifs, la Maison Blanche espère trouver des interlocuteurs plus conciliants dans le Colorado, explique le "Wall Street Journal". "Les partisans de la dernière tentative en date [pour trouver des prisons d’accueil] pensent qu’ils auront davantage de chance de convaincre les élus du Colorado, où les établissements [pénitenciers] ont depuis longtemps accueilli certains des prisonniers les plus dangereux des États-Unis", peut-on lire dans le quotidien.
Le "New York Times" rappelle ainsi que Richard Reid et Umar Farouk Abdulmutallab, qui ont tous les deux tenté de faire exploser une bombe dans un avion – le premier ayant dissimulé l’engin dans sa chaussure, le second dans ses sous-vêtements – sont emprisonnés dans le Supermax, une unité de très haute sécurité du Federal Correctional Complex situé dans la ville de Florence, à environ 150 km au sud de Denver.
Mais l’idée ne séduit toujours pas. "C’est scandaleux et inacceptable de voir que le président Obama perd du temps et de l’argent des contribuables avec ce genre de fantasme qui n’a aucune chance d’aboutir, affirme dans les colonnes du 'New York Times' Doug Lamborn, le représentant républicain du district où se trouve le Supermax. Les habitants du Colorado ne veulent pas abriter les pires terroristes du monde chez eux."
La situation apparaît donc bloquée. Mais "le plan arrive", soutient malgré tout le représentant démocrate Adam Smith, qui s’est entretenu avec des officiels de la Maison Blanche. "Je leur en ai parlé, ils envisagent plusieurs options, on attendait le plan il y a plusieurs semaines et on l'attend pour bientôt". Que Barack Obama se dépêche s'il souhaite tenir son engagement, ses jours à Washington sont comptés.
Avec AFP, AP et Reuters