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Récit de notre envoyé spécial, retenu par les autorités gabonaises

Partis réaliser un reportage au Gabon après l'hospitalisation en Espagne du président Omar Bongo Ondimba, nos deux envoyés spéciaux n'ont pas pu entrer dans le pays. L'un d'eux, Arnaud Zajtman, nous livre ses impressions.

Vingt-quatre heures passées dans la zone internationale de l'aéroport de Libreville ne nous ont pas permis de jauger de l'état de santé du président gabonais Omar Bongo Ondimba ni des circonstances dans lesquelles une succession pourrait se produire si elle devait avoir lieu prochainement.

En revanche, cette zone, toujours particulière qu'est un aéroport, nous a offert un poste d'observation limité mais intéressant sur le Gabon. Aussi avons-nous pu faire les constats suivants. D'abord, l'aéroport de Libreville est l'un des plus propres et des mieux organisés d'Afrique centrale.

Ensuite, il y a dans l'aéroport, lieu stratégique de toute capitale, un coopérant français - très sympathique avec les journalistes français refoulés - que tout le monde appelle "Capitaine".

L'homme assure n'avoir pas beaucoup de pouvoir. Il a, au moins, celui de circuler dans l'aéroport et d'observer ce qui s'y passe. Ce n'est pas rien, d'autant qu'à ma connaissance, il n'y a pas de coopérant gabonais en poste permanent à l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle.

Troisième constat : alors que le président Bongo se fait soigner en Europe, son entourage n'est pas parvenu à assumer une prise de décision nous concernant.

Victimes d’un "vice de procédure"

A aucun moment le ministre de l'Intérieur ou la ministre en charge de l'information ne nous ont indiqué clairement si nous pourrions ou non entrer sur le territoire gabonais. La responsable de communication de la ministre de la Communication s'est contentée de nous demander d'être patients.

Finalement, après près de 24 heures dans la salle d'attente surclimatisée, seul le responsable du service d'immigration nous a donné une explication : "Il y a eu un vice de procédure dont vous êtes les victimes".

A l'en croire, l'ambassade du Gabon à Kinshasa, lieu de notre résidence où nous avons obtenu nos visas, aurait dû consulter Libreville et nous sommer d'effectuer des démarches pour obtenir une accréditation avant de nous délivrer lesdits visas. Or, cela n'a pas été fait et ce fut là la raison de notre refoulement, aux dires du responsable du service d'immigration.

Il faut ajouter ici que ledit "refoulement" n'a jamais été pleinement assumé par les autorités. A ce titre, une fois dans l'avion, lorsque nos passeports nous ont été restitués, nous avons constaté que nos visas ont été assortis de tampons d'entrée et de sortie, dont l'un raturé au stylo-bille, laissant penser que nous avons passé un séjour normal en territoire gabonais.

Dernier constat : les officiels gabonais auxquels nous avons eu affaire ne cachent pas leur ressentiment à l'égard des ressortissants français. Ainsi, ils exprimaient leur satisfaction de nous rendre la réciprocité des candidats africains à l'immigration refoulés par la France.

En définitive, entre, d'une part, une élite gabonaise qui se sent trahie par la France et sa justice qui examine une plainte concernant les biens immobiliers acquis par le président Bongo en France, et, d'autre part, un peuple gabonais qui reproche à la France d'être en collusion avec ladite élite, la francophilie semble en perte de vitesse au Gabon.

Aussi, alors que le Gabon risque de faire bientôt face à un moment charnière de son histoire, la France et ses 10 000 ressortissants, actifs dans des secteurs clefs de l'économie gabonaise, pourraient devenir des boucs émissaires tout trouvés.

Ces quelques impressions ne sont que parcellaires. Une nouvelle tentative d'entrer au Gabon devrait nous permettre d'avoir une vision plus exhaustive.