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Avec la prise de Kunduz, les Taliban signent un retour fracassant

La bataille qui oppose l'armée afghane aux Taliban à Kunduz rappelle que le chaos règne toujours en Afghanistan. En cause : la succession du mollah Omar et la montée en puissance de l'organisation de l'État islamique.

C’est un tournant symbolique en Afghanistan. En s’emparant de Kunduz, dans le nord du pays, les Taliban ont, pour la première fois depuis qu'ils ont été chassés du pouvoir en 2001, repris le contrôle d’une capitale provinciale. L'armée tente de reprendre la ville mais quelle que soit l'issue de la bataille, il semble loin le temps où le président afghan, Ashraf Ghani, entamait avec optimisme les négociations de paix avec les Taliban.

L’annonce de la mort du mollah Omar, au cœur de l’été, et les luttes internes chez les Taliban ont changé la donne. Soucieux d’asseoir sa position de nouveau chef du mouvement, le mollah Akthar Mansour a multiplié les attaques dans le pays, jusqu'à son principal fait d'armes : la prise de Kunduz.

"Le mollah Mansour est désormais bien installé à la tête des Taliban car il bénéficie du soutien de la famille du mollah Omar, qui le contestait au moment de la succession", explique à France 24 le spécialiste des Taliban Karim Pakzad, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). "Il fait aujourd’hui le choix de poursuivre son offensive en Afghanistan pour marquer des points en vue des futures négociations avec le gouvernement."

Derrière les Taliban, le Pakistan tire les ficelles

Même si la prise de Kunduz ne rebat pas fondamentalement les cartes dans le jeu politique, la facilité avec laquelle les Taliban sont parvenus à s’emparer de la ville met en lumière les limites de l’armée afghane.

"Et encore une fois, c’est bien évidemment le Pakistan qui tire les ficelles, rappelle Karim Pakzad. Les Taliban agissent toujours avec l’aval d’Islamabad, qui souhaite contrôler la politique étrangère afghane et avoir une influence sur la politique intérieure via les Taliban."

>> À voir sur France 24 : "Afghanistan : les premiers pas d'un gouvernement enfin constituté"

Un an seulement après son arrivée au pouvoir, Ashraf Ghani se retrouve donc dans une position délicate et devra probablement attendre plusieurs mois avant de pouvoir relancer les négociations de paix. D’ici là, il devra s’employer à gérer un autre dossier : la montée en puissance de l’organisation de l’État islamique (EI).

L’EI tisse sa toile en Afghanistan

Le groupe jihadiste tisse en effet sa toile en Afghanistan, selon un rapport des Nations unies daté du 25 septembre, qu’ont pu consulter plusieurs agences. Celui-ci fait état d’une "expansion virale de la marque État islamique" et souligne que "le nombre de groupes et d’individus qui font ouvertement allégeance à l’EI ou s’en déclarent proches continue d’augmenter dans plusieurs provinces d’Afghanistan". Pas moins de 25 provinces sur 34 sont concernées.

Les habitants de la province orientale de Nangarhar peuvent en témoigner. L’EI y a lancé, pour la première fois, dimanche, des attaques coordonnées contre des barrages de police, tandis que le gouverneur du district d'Achin a reconnu que les jihadistes contrôlaient plusieurs prisons.

Un "très petit nombre" de non-Afghans venus directement d’Irak et de Syrie constitue le noyau dur de l’EI en Afghanistan, selon le rapport du comité Al-Qaïda et Taliban de l'ONU. Ces derniers seraient environ soixante-dix. Pas de quoi contrôler de larges pans de territoires comme en Irak ou en Syrie, mais suffisant pour inquiéter le gouvernement et remettre en cause le départ de l’armée américaine.

La Maison Blanche et le Pentagone pourraient en effet décider de maintenir en Afghanistan une partie des 9 800 soldats chargés de former l’armée afghane, ont révélé la semaine dernière le "Wall Street Journal" et "Foreign Policy". Une décision qui retarderait d’autant plus les négociations de paix entre Kaboul et Taliban, le mollah Mansour ayant mis comme préalable à toute discussion la fin de "l’occupation" et des "traités militaires avec les envahisseurs".

Face aux Taliban et à l’EI, le président Ashraf Ghani va devoir mettre fin à son impéritie. Alors que l’espoir d’une sortie de crise était réel il y a encore trois mois, l’Afghanistan se retrouve à nouveau plongé dans un chaos dont il ne voit décidément pas la fin.

Avec AFP