
Le général Gilbert Diendéré, à l'origine du coup d'État au Burkina Faso, suscite de nombreuses interrogations pour l’avenir démocratique pays. Entretien avec David Zounmenou, chercheur à l'Institut d'études de sécurité de Pretoria en Afrique du Sud.
Au lendemain du coup d’État fomenté par le général Gilbert Diendéré, chef des putschistes du Régiment de sécurité présidentiel (RSP), de nombreuses questions se posent au sujet du nouveau régime autoproclamé. Éléments de réponse avec David Zounmenou, chercheur principal à l'Institut d'études de sécurité de Pretoria en Afrique du Sud.
France 24 : Dans l’entretien que le général Gilbert Diendéré a accordé jeudi à France 24, il dit avoir pris le pouvoir pour éviter des élections qui "n’auraient pas été bien organisées". Quelles sont ses autres véritables motivations ?
David Zounmenou : Ses motivations sont évidemment d’ordre personnel puisque la transition démocratique s’opérait dans le bon sens et ne souffrait d’aucune contestation. La mise en place de ces élections prévues en octobre faisait consensus dans le paysage politique burkinabè et ne nécessitait aucune intervention militaire. Le coup d’État mené par Gilbert Diendéré a été mené pour préserver deux acquis : il souhaite dans un premier temps, pour lui et ses proches toujours influents dans le pays, se prémunir de la justice qui tente de comprendre ses éventuels liens avec les assassinats de l’ancien président Thomas Sankara et du journaliste Norbert Zongo. D’ailleurs la concomitance entre le coup d’État et les résultats de l’enquête sur l’assassinat de Thomas Sankara qui devaient être dévoilés le 17 septembre ne semble pas être une simple coïncidence.
Il cherche également à anéantir la garde présidentielle et affaiblir son pouvoir pour mieux asseoir sa propre force politique, le Régiment de sécurité présidentielle (RSP).
France 24 : Gilbert Diendéré a affirmé ne pas avoir eu de contact avec Blaise Compaoré "ni avant ni après" le coup d’État. Est-ce possible ? Le retour au pouvoir de l’ancien chef d’État burkinabè est il envisageable ?
David Zounmenou : Il est difficile de croire qu’il n’y a pas de lien entre les deux hommes et que Gilbert Diendéré a agi seul. Blaise Compaoré, réfugié à Abidjan, en Côte d'Ivoire, suit de très près de la situation au Burkina Faso grâce aux nombreux liens qu’il a pu y conserver. Il paraît pour autant invraisemblable d’envisager que le général putschiste prépare le retour de l’ancien président au pouvoir. Son retour à la tête de l’État serait trop risqué, voire suicidaire et engendrerait à coup sûr une guerre civile car le peuple burkinabè le vomit.
France 24 : Est-ce que ce coup d’État peut menacer la stabilité de la région ?
David Zounmenou : L’actuelle situation au Burkina Faso préoccupe beaucoup la communauté internationale car il y a un vrai risque d’instabilité politique dans la région. Les pays voisins, dont certains comme le Mali, sont touchés par le terrorisme, et pourraient être ébranlés à leur tour par ce coup d’État. La Côte d’Ivoire, qui se remet péniblement de la crise qu’elle a connu il y a quatre ans et organise ses élections en octobre, pourrait notamment être bouleversée par les derniers événements au Burkina.
Mais le pays peut retrouver le chemin démocratique qu'il avait pris. La condamnation unanime de la communauté internationale, dont l’Union africaine, les Nations unies ou la Cédéao est une première étape importante. Dans un deuxième temps, on peut penser que le Conseil de sécurité imposera des sanctions à l’encontre du régime putschiste. Enfin, il est tout à fait possible de trouver une issue politique semblable à celle qui avait été trouvée en 2012 au Mali. [Ndlr : le 22 mars 2012, le militaire putschiste Amadou Haya Sanogo fomente un coup d'État contre le président Amadou Toumani Touré. Sous la pression internationale, il est contraint de rendre le pouvoir 21 jours plus tard].
Je suis par ailleurs très confiant par rapport à la médiation qui va être menée par le chef de l'État sénégalais Macky Sall et le président béninois Thomas Boni Yayi, ce vendredi au Burkina Faso. Les deux hommes, appuyés par la communauté internationale, pourront probablement obtenir à terme la restauration de la transition démocratique après la libération du président Michel Kafondo et de son Premier ministre. Une chose est sûre, l’éviction de Gilbert Diendéré ne passera pas par la force, la Cédéao n’en a pas les moyens, mais par la voie diplomatique pour que les Burkinabè retrouvent la transparence et la démocratie qu’ils attendent tant.