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Le jury de la Mostra de Venise a récompensé samedi le jeune cinéma sud-américain en attribuant le prestigieux Lion d'or au Vénézuélien Lorenzo Vigas pour son film "Desde allà" et le Lion d'argent à l'Argentin Pablo Trapero pour "El Clan".

Après dix jours de compétition et une sélection très contrastée de 21 films qui se sont révélés parfois décevants, parfois étonnants, parfois stupéfiants, le jury, présidé par le Mexicain Alfonso Cuaron, a primé des petits nouveaux, Sud-Américains, plein d'audace. Le Vénézuélien Lorenzo Vigas a ainsi remporté, samedi 12 septembre, le Lion d’or pour son premier long-métrage "Desde allà" et l’Argentin Pablo Trapero le Lion d’argent pour "El Clan".

Des réalisateurs reconnus figuraient pourtant parmi les favoris, tels le Russe Alexsandr Sokurov, dont le très réussi "Francofonia" a reçu les félicitations tant des critiques que du public, ou l'Israélien Amos Gitaï, auteur d'un magistral travail d'investigation et de reconstitution pour "Rabin, the last day".

Histoire âpre de solitude et de sexe entre hommes se nouant à Caracas, "Desde allà" est le premier film de Lorenzo Vigas, 48 ans, qui jusqu'à présent n'avait réalisé qu'un court-métrage ("Les éléphants n'oublient jamais" en 2004), et qui travaille depuis des années sur le thème de la paternité, ou plutôt de son absence. Ce film au rythme lent, marqué par une scène de sexe très crue entre deux hommes, avait été longuement applaudi jeudi en projection de presse, se hissant par surprise parmi les favoris.

Il faut dire qu'avec le Mexicain Guillermo Arriaga ("Babel", "Trois enterrements", "21 grammes") comme scénariste et producteur, un acteur principal tel que le Chilien Alfredo Castro, emblème du cinéma latino-américain indépendant et engagé, et un jeune acteur de 19 ans, Luis Silva, magistral dans le rôle d'un adolescent violent et charismatique, Lorenzo Vigas a su très bien s'entourer.

La bande-annonce de Desde allà, Lion d'or à la Mostra de venise

Grand succès en Argentine, "El Clan" dresse le portrait glaçant des Puccio, une famille apparemment normale mais passée maître dans les enlèvements de personnes fortunées à Buenos Aires, alors que le pays expérimente la démocratie après la dictature militaire (1976-1983).

Neuvième long-métrage de Pablo Trapero, 43 ans, et coproduit par la maison de production espagnole El Deseo des frères Almodovar, le film décline lui aussi le thème de la paternité, et la "relation froide" empreinte de cruauté entre un père et son fils, brillant sportif "qui vit sous l'emprise de son père alors qu'il est en mesure de s'enfuir", selon le cinéaste.

Extrait de la band-annonce du film El Clan, Lion d'argent

Fabrice Luchini récompensé

Le film français "L'Hermine" n’est pas en reste. Il a été doublement récompensé par le prix du meilleur interprète pour Fabrice Luchini et par celui du scénario pour le réalisateur Christian Vincent.

À 63 ans, Fabrice Luchini figurait parmi les favoris pour la coupe Volpi, avec ce rôle d'un magistrat bourru et aigri qui va se révéler plus humain au contact d'une femme aimée autrefois et jurée du procès en assises qu'il préside.

Autre favori récompensé, "Anomalisa", le film d'animation co-dirigé par le génial scénariste Charlie Kaufman ("Being John Malkovich", "Eternal sunshine of the spotless mind") et par Duke Johnson. Lors d'une soirée dans un hôtel anonyme de Cincinnati, un quadragénaire quelconque va tenter de rompre sa solitude avec une jeune femme, Lisa, dont la voix le bouleverse.

Premier film d'animation de Charlie Kaufman, chaleureusement applaudi à la fin de la projection de presse, "Anomalisa" a mis deux ans pour être financé, et il n'a pu être tourné que grâce à une campagne de financement participatif via le site Kickstarter.

Déjà primée il y a 29 ans, l'Italienne Valeria Golino a obtenu le prix d'interprétation féminine pour son rôle de mère courage dans "Per amor vostro" de Giuseppe M. Gaudino, tandis que le prix spécial du jury a récompensé "Abluka" (Frenzy) du Turc Emin Alper.

Enfin, le jeune Abraham Attah s'est vu décerner le prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir, pour son rôle d'enfant-soldat dans le poignant et violent "Beasts of No Nation" de Cary Fukunaga, produit par Netflix.

Avec AFP