L'ONU va finalement pouvoir lancer une enquête sur de récentes attaques chimiques en Syrie attribuées par les Occidentaux au régime de Bachar al-Assad, la Russie ayant levé ses objections.
On ne sait pas encore quand les investigations vont démarrer, mais elles seront bien lancées. La Russie ayant levé ses objections, l'ONU va finalement pouvoir enquêter sur de récentes attaques chimiques en Syrie attribuées par les Occidentaux au régime de Bachar al-Assad, ont indiqué jeudi 10 septembre des diplomates.
Le Conseil de sécurité avait adopté à l'unanimité le 7 août une résolution créant un "mécanisme conjoint d'enquête" entre l'ONU et l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC).
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon avait ensuite proposé que cette mission soit confiée à trois experts indépendants, et demandé le feu vert du Conseil pour les recruter.
Mais la Russie, qui préside le Conseil en septembre, tardait depuis lors à répondre. Selon des diplomates, Moscou demandait des garanties sur plusieurs points, notamment le respect de la souveraineté de son allié syrien.
Ban Ki-moon a adressé mercredi une lettre à l'ambassadeur russe Vitali Tchourkine où il l'assurait notamment que l'ONU allait "consulter rapidement" Damas pour conclure un accord sur le fonctionnement de la mission d'enquête et que les demandes d'accès sur le terrain seraient "raisonnables". Le gouvernement syrien est censé coopérer pleinement avec les enquêteurs.
Seul Damas dispose d'hélicoptères pour larguer du chlore
Les puissances occidentales tiennent les forces gouvernementales pour responsables de bombardements chimiques au chlore, tandis que la Russie, alliée de Damas, accuse les rebelles. Pour Olivier Lepick, spécialiste des armes chimiques, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique, contacté par France 24, "il y a peu de doutes que les attaques au chlore signalées dans l’ouest et le nord de la Syrie ces derniers mois sont le fait du régime, car les substances ont été larguées depuis des hélicoptères dont seul disposait le régime de Damas".
Le chlore est une substance banale, que l’on trouve facilement, très utilisée dans le secteur industriel. Elle n'est pas interdite en soi, mais peut cependant être considérée comme agent chimique militaire quand elle est utilisée en tant que tel, pour terroriser les populations, explique le chercheur, rappelant que ce suffocant, qui endommage les voies respiratoires supérieures, peut à de très fortes concentrations provoquer la mort.
Les enquêteurs seront chargés de déterminer les responsabilités de ces attaques. Une fois établies, le Conseil de sécurité de l’ONU sera en mesure de prendre des sanctions. Mais il faudra pour cela une nouvelle résolution... que la Russie pourra bloquer en utilisant son droit de veto.
Ban Ki-moon n'a pas précisé quand cette enquête pourra véritablement commencer.
En septembre 2013, l’ONU avait déjà confirmé, suite à une enquête, la présence d’armes chimiques en Syrie sans pour autant nommer les responsables. La France et les États-Unis avaient affirmé détenir la preuve d’une responsabilité du régime, justifiant ainsi la planification d’une intervention militaire contre le régime de Bachar al-Assad, qui n’eut finalement pas lieu. En novembre 2013, le régime syrien s’était engagé à détruire l’intégralité de son stock d’armes chimiques, sous la pression des Occidentaux.
L’EI soupçonné d’attaques chimiques
Les Russes souhaitaient également que les enquêteurs se penchent sur l'utilisation récente d'armes chimiques en Irak par les jihadistes de l’organisation de l’État islamique (EI), ce qui ne sera pas fait pour l’instant car cela nécessiterait une nouvelle résolution et l'accord du gouvernement irakien.
L'EI est en effet soupçonné d'avoir attaqué en août des combattants kurdes au gaz moutarde, en Irak et dans le nord de la Syrie. Des allégations relayées par l'armée allemande présente dans le nord du pays.
Mi-août, la population syrienne a également été visée par des attaques, vraisemblablement au gaz moutarde. Une petite fille est morte le 4 septembre des suites de blessures infligées par cette substance, indique ainsi le quotidien "Libération". Là encore, l’EI est pointé du doigt. Selon la BBC, qui cite un officiel américain, Washington estimerait même que l’organisation terroriste est capable de fabriquer des armes chimiques utilisées en Irak et dans le nord de la Syrie.
"S’il semble extrêmement plausible que ces attaques aient bien été perpétrées par l’EI, analyse Olivier Lepick, je ne pense pas pour ma part que l’organisation soit capable de produire du gaz moutarde. L’hypothèse la plus probable est que le groupe ait mis la main sur d’anciens stocks en Irak ou en Syrie", conclut le chercheur.
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