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Carnet de route : Hongrie vs Autriche, deux visions de l'accueil des migrants

De l’est de la Grèce à l’extrême nord de la France, des milliers de migrants, fuyant la Syrie, l'Irak ou encore l'Afghanistan, empruntent la route des Balkans. Karim Hakiki, reporter de France 24, livre ses impressions dans son carnet de route.

Ils arrivent par milliers. Après avoir bravé les dangers d’une traversée de la Méditerranée, ils débarquent sur les côtes européennes, notamment grecques, avec le ferme espoir d'une vie meilleure, loin des violences. Quels sont leurs désirs et leurs regrets ? Comment vivent-ils, seuls ou en famille, l’exil et la précarité ? Qui sont ceux que l’Europe nomme communément "les migrants" ? De Thessalonique, en Grèce, jusqu’à Calais, dernière étape avant le Royaume-Uni, une équipe de France 24 suit la route empruntée par des dizaines de milliers de personnes, jetées sur les routes par la guerre et les persécutions. Au-delà de cette actualité, France 24 vous propose quotidiennement de découvrir le regard que porte notre reporter Karim Hakiki sur ce périple.

Dimanche 6 septembre, Vienne (Autriche)

"On est arrivés à Vienne. On a vu une vraie différence d’accueil entre les Hongrois et les Autrichiens. Ici, tout est très organisé, alors même que les migrants ne restent pas. Il y a tout : des stands de nourriture, de soins et même une aire de jeux pour les enfants. Ce qui nous a étonnés et qu’on a trouvé très chouette, c'est que pour la première fois on a distribué du maquillage aux femmes, du parfum, du déodorant… Il y a tout pour prendre soin de soi. Là, on a vu les migrants, marqués par la fatigue, changer physiquement. Les Autrichiens ont pensé à tout, leur ont donné des vêtements, les ont aidés à prendre soin d’eux. Quand on leur a demandé pourquoi, ils nous ont répondu que c’était aussi important que le reste et qu’ils ne manquaient pas de nourriture.

"Pour eux, réfugié, c'est un gros mot"

Les migrants ont tout à fait conscience de l’enjeu politique qu’ils représentent. L’un d’entre eux nous a dit qu’il ne comprenait pas la Hongrie : 'Ils ne veulent pas que l’on reste, mais nous sommes un enjeu de politique locale. Ils se servent de nous comme ça l’a été chez nous avant'. À chaque interview, ils commencent d’ailleurs par nous dire : 'Ne vous inquiétez pas, nous ne voulons pas rester ici. Laissez-nous passer s’il vous plaît'. On les a également fait réagir sur le débat que nous avons eu en interne à France 24 sur le vocabulaire à utiliser : migrants ou réfugiés. On leur a demandé comment ils voulaient que nous les appelions. Et dans la plupart des cas, ils nous ont répondu qu’ils ne voulaient pas être désignés par le mot réfugiés. Ils nous disent : 'Nous sommes des migrants qui voulons nous intégrer le plus rapidement possible dans les sociétés dans lesquelles nous allons nous installer.' Houday, que nous avons croisé à plusieurs reprises, m’a dit qu’il avait envie de travailler en Suède et que dans six mois, on ne puisse plus faire plus la différence avec les Suédois. Tout ce qui compte pour eux, c’est de s’installer le plus vite possible et d’oublier leur statut de réfugié. Ils n’aiment pas qu’on les désigne ainsi. Ils nous disent : 'Nous avons un pays, nous fuyons la guerre et nous savons où nous allons. Nous sommes des migrants, nous souhaitons nous assimiler et vivre en paix'. Pour eux, réfugié, c’est un gros mot. Cela représente les camps.

"Enfin prendre du recul"

Aujourd’hui, il y a une petite fille autrichienne de 8 ans, d’origine palestinienne, qui nous a beaucoup touché. Elle est née et vit à Vienne. Elle parle trois langues : l’allemand, l’arabe et l’anglais. Cette fillette est venue avec sa mère parce qu’elle a vu les images à la télé. Elle m’a dit qu’elle voulait montrer aux enfants qu’ils avaient des amis. Elle est venue pour jouer avec eux et sert aussi de traductrice aux enfants. Une chouette gamine que l’on a filmé ce matin.

Sinon, nous [les reporters de France 24, NDLR] avons eu quelques heures de repos hier soir. C’était psychologique, juste se dire 'on a le droit de se poser un peu'. On a dîné dans un restaurant et on a pu se retrouver. Chacun d’entre nous travaille dans son coin et on est toujours à flux tendu. Ce qui nous a aussi fait du bien, c’est de pouvoir enfin prendre du recul. On a pu faire le point sur le long format que l’on va faire en rentrant à Paris : qu’est-ce qu’on a comme histoires ? Qu’est-ce qu’on va faire maintenant, car pour la plupart des migrants le voyage s’arrête là ? Quelle histoire va-t-on raconter dans notre reportage de 13 minutes ? Qu’est-ce qu’on retient ? Et puis, on a pu manger et boire. Jusque-là, il était très difficile de se poser et de recharger les batteries. On avait le nez dans le guidon et prendre le temps, ça fait du bien. Une chouette parenthèse sur les chemins de l’exil."
 

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