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Myriam El Khomri, une Franco-Marocaine nouvelle ministre du Travail

Inconnue du grand public, Myriam El Khomri, protégée de François Hollande et de Manuel Valls, a été propulsée ministre du Travail mercredi. Portrait d’une élue métisse et parisienne, pur produit de la génération "Macron-Vallaud-Belkacem".

Le visage souvent éclairé d’un large sourire, la tête bien faite et un CV long comme le bras : Myriam El Khomri incarne à merveille l’image du dynamisme que François Hollande veut donner à son gouvernement. À l’instar de ses collègues Emmanuel Macron ou Najat Vallaud-Belkacem, la nouvelle ministre du Travail est jeune, moins de quarante ans. Et à en croire son parcours politique, elle a la niaque. Il faut dire que, de la niaque, il faut en avoir pour hériter du portefeuille de son prédécesseur François Rebsamen. Depuis le 2 septembre 2015, El Khomri a la lourde tâche de mener la lutte contre le chômage, chantier-pilier du quinquennat du chef de l’État.

Une gageure plus qu’un honneur lorsque l’on regarde la courbe de l’emploi ces dernières années. Qu’importe, ses soutiens y croient. Ses proches la décrivent comme une battante, efficace, pragmatique. Et même si Khomri déclarait à "Libération" en 2014 qu’elle détestait quand "tout va hyper vite", elle n’a pas hésité longtemps à relever le défi ministériel. "Je mesure la responsabilité qui est la mienne. Comptez sur la combativité et ma détermination au service des Français", a-t-elle déclaré sur son compte Twitter quelques minutes après sa nomination.

Je mesure la responsabilité qui est la mienne. Comptez sur ma combativité et ma détermination au service des Français #travail #emploi

— Myriam El Khomri (@MyriamElKhomri) 2 Septembre 2015

2002, la "révélation"

Contrairement à ses appréhensions, tout est toujours allé très vite dans la carrière de Khomri. En moins de 15 ans, elle aura réussi le tour de force de franchir le perron du ministère rue de Grenelle. Après avoir décroché son DESS de droit public en 1999 à la Sorbonne, elle adhère au Parti socialiste en 2002 suite à la défaite de Lionel Jospin, au premier tour de la présidentielle. Une défaite en forme de "choc", de "révélation" qui sonne son engagement politique.

De 2001 à 2008, elle est adjointe à la mairie du 18e et se rapproche de Daniel Vaillant, l’ancien maire de l’arrondissement, son mentor. En 2008, Bertrand Delanoë, alors édile de Paris, la prend sous son aile et lui confie la protection de l'enfance, de la sécurité, de la prévention ou encore de la toxicomanie en qualité d’adjointe. En mai 2014, elle occupera le poste de secrétaire nationale du Parti socialiste chargée des Questions de sécurité.

Puis elle devient la porte-parole d’Anne Hidalgo, la nouvelle maire de Paris qui déclare "l’adorer". Le 26 août 2014, c’est le saut dans le grand bain. Elle entre au gouvernement en tant que secrétaire d’État chargée de la Politique de la ville.

Une passion, le terrain

Sa nomination aujourd’hui à la tête du portefeuille de l’Emploi reste pourtant une surprise. Premièrement, parce que Myriam El Khomri, né d’une mère bretonne et d’un père marocain, est une inconnue du grand public, une femme qui n’a jamais revendiqué ouvertement d’ambition politique. "Militer ? Rentrer au MJS (Mouvement des jeunes socialistes) ? Cela ne me tentait pas trop", déclarait-elle au "Lab", en 2012. Secundo, parce que le droit du travail ne semble pas être sa spécialité. Au Parti socialiste, on pariait davantage sur Alain Vidalies, l’actuel secrétaire d’État aux Transports, spécialiste du droit du travail. Myriam El Khomri, elle, a plutôt fait de la sécurité sa discipline de prédilection.

Mais sa personnalité séduit. Elle enchaîne 25 interviews dans les semaines qui ont suivi les attentats contre "Charlie Hebdo" et l'Hyper Cacher. C’est le terrorisme qui, tristement, la propulse au devant de la scène politique. Modeste, elle refuse l’étiquette de sa "starisation". "Sincèrement […] je ne suis pas du tout médiatisée", assurait-elle il y a quelques mois. Manuel Valls, le Premier ministre, est conquis par son sourire et par son contact facile avec les banlieues. Pour porter la bonne parole du gouvernement sur le "vivre-ensemble", on l’envoie multiplier les déplacements dans les quartiers jugés difficiles.

"Mon plaisir, en politique, c'est d'être sur le terrain avec les élus, les habitants, les associations, et d'essayer de construire", répète-t-elle à l’envi. Une modestie qui fait sourire ses adversaires : "Elle est ambitieuse, mais ne l'assume pas", assure l'un d'eux, anonymement, à l’AFP.

La quadra "cool"

Sans doute agace-t-elle, aussi. Celle qui se rêvait comédienne à 20 ans revêt aujourd’hui le costume de la quadra "cool", mère de famille active, épouse comblée d’un mari, Loïc, "pas du tout dans la politique", et proche de sa "bande de potes". Elle se dit branchée "numérique" mais pas trop. Elle déclare n’utiliser Twitter et Facebook que pour son loisir personnel… Étonnant au regard de la vidéo interactive (ci-dessous) réalisée en 2012 lors de la campagne législative du PS.

Vidéo intercative rélaisée pendant la campagne législative de 2012

Myriam El Khomri transforme aussi son métissage en atout. Sa couleur de peau est une fierté, dont elle se sert pour vanter la douceur de vivre du Maroc, et plus particulièrement de Tanger, la ville où elle a grandi dans un mélange "d'effervescence, de plage, de friture de poissons...". Un métissage dont "elle est habituée à son petit effet", écrit avec une pointe d’ironie "Libération". Reste que son parcours est plutôt atypique : la nouvelle ministre a quitté le Maroc à neuf ans pour venir en France, dans les Deux-Sèvres, avec sa famille, au revenu modeste. Elle part ensuite à Bordeaux. "Boursière, elle bosse à mi-temps pour payer ses études et le conservatoire de théâtre, qu’elle abandonnera au bout de cinq ans. À la fac, elle retrouve Loïc, un copain de lycée, chante du reggae et joue du synthé", rappelle encore "Libération".

C’est ensuite le départ – balzacien - vers Paris et le début de sa fulgurante carrière. Une ascension sociale qui n’a jamais surpris ses amis. "C’est une femme d’expérience", disent les uns. "Toujours en prise avec le terrain et à l’écoute des citoyens", disent les autres. Elle est la "chouchoute" du gouvernement, écrit même le "Journal du Dimanche". De tant de qualités dotées, Myriam El Khomri est inévitablement attendue aux tournants par ses adversaires de droite… et de gauche. "[Cette nomination] C'est n'importe quoi", s'est indigné un député PS à l’AFP quelques minutes après sa nomination. "Elle ne connaît rien à ces sujets." La quatrième Conférence sociale, grand rendez-vous sur l’emploi qui s’ouvrira le 19 octobre prochain, lui permettra de donner tort, ou raison, à ses détracteurs.

Avec AFP et Reuters