L'article du "Spiegel" affirmant que le TSL suspecte le Hezbollah d'avoir planifié l'attentat contre Rafic Hariri aurait dû faire l'effet d'une bombe. Il n'en fut rien. Les médias du groupe Hariri ont même ignoré l'information.
La publication d’un article sur le site Web de l’hebdomadaire allemand "Der Spiegel", impliquant le Hezbollah dans l'assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri a interloqué le pays du Cèdre. Ces informations sensationnelles qualifiées d’"affabulations" par le parti chiite, sont destinées, selon lui, à perturber la "campagne électorale" à deux semaines des législatives du 7 juin. Le chef du gouvernement libanais avait perdu la vie dans un attentat au camion piégé, le 14 février 2005. La Syrie voisine avait été immédiatement pointée du doigt par la famille et les partisans du défunt.
Silence radio
L’article, très détaillé, basé sur des informations obtenues de sources proches du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) et "vérifiées par la consultation de documents internes", aurait dû faire l’effet d’une bombe. Pourtant, la prudence et le silence du camp Hariri, qui n’a pas réagi à ces informations, sont assourdissants. Les révélations du magazine allemand n’ont même pas été relayées par les médias du groupe Hariri, ni par le quotidien "Al-Moustaqbal" ni par la télévision Future TV.
Seul Walid Joumblatt, qui a toujours accusé la Syrie d’être le commanditaire de l’attentat, a réagi, dimanche, au cours d’un meeting en présence de son allié politique, Saad Hariri. Le leader druze a demandé aux Libanais de "faire attention aux rumeurs et aux fuites de presse, car elles peuvent nuire à l'action de la justice et provoquer la discorde et la sédition".
Syrie et Hezbollah, la double piste
Fréderic Encel, directeur de recherche à l'Institut français de géopolitique et spécialiste du Proche-Orient, estime pourtant que les révélations du "Spiegel" sont plausibles. "Rafic Hariri, le sunnite, représentait une double concurrence, sociale et politique, pour le Hezbollah chiite. Ses proches, qui jouent la carte du droit international, veulent éviter à tout prix de donner l’impression d’instrumentaliser le tribunal, d’où leur silence", déclare-t-il à FRANCE 24.
"Je pense que les Hariri privilégient depuis bien longtemps la thèse de la double piste, celle du Hezbollah et de Damas, qui, à l’époque de l’occupation syrienne, travaillaient de concert. Et comme par hasard, ce sont ces deux mêmes protagonistes qui s’étaient farouchement opposés à la création du Tribunal spécial pour le Liban", affirme Fréderic Encel.
Interrogé après la publication de cette information, le bureau du procureur du TSL, le Canadien Daniel Bellemare, a déclaré qu'il "ne commentait pas les questions liées aux aspects techniques de l'enquête".