Angela Merkel sans cœur ou simplement honnête ? Le débat fait rage en Allemagne après une vidéo qui montre la chancelière expliquant froidement à une réfugiée palestinienne pourquoi elle risque d’être expulsée.
Ses mots sont durs et son geste est maladroit. La chancelière allemande Angela Merkel a déclenché, jeudi 16 juillet, une vague d’indignation dans son pays après sa prestation face une jeune réfugiée palestinienne appelée Reem, lors de la visite d’une école de la ville de Rostock (ex-RDA). Une séquence enregistrée puis diffusée sur la chaîne Norddeutscher Rundfunk (NDR).
La séquence en allemand
La jeune fille, dont la famille est menacée d’être expulusée d'Allemagne, ne sait pas ce qu’elle va devenir et explique à la chancelière que tout ce qu’elle désire c’est “pouvoir étudier [en Allemagne]” et profiter de la vie comme les autres enfants.
“Certains devront partir”
Face à cette détresse, Angela Merkel trouve les mots qu’il ne faut pas… Surtout en politique. “Je comprends mais parfois la politique est dure et tu es certes très sympathique mais tu sais aussi qu’il y a dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban [d’où viennent les parents de la jeune fille, NDLR] des milliers de personnes et nous ne pouvons pas nous permettre de dire ‘vous pouvez tous venir, et vous pouvez tous venir d’Afrique’”. Un discours froid de la chancelière qui enfonce le clou en concluant “il y en a certains qui devront repartir”.
Angela Merkel passe à autre chose mais s’interrompt en voyant son interlocutrice fondre en larmes. La dirigeante décide alors de réconforter l'adolescente. Dans un geste perçu comme paternaliste, elle lui caresse l’épaule et lance une phrase qui risque de rester dans les annales des faux pas en politique : "tu t'en es très bien sortie !". Comme si les larmes étaient dues au trac d’avoir parler à la chancelière...
Le modérateur du débat reprend alors Angela Merkel, faisant remarquer qu’il ne “croit pas qu’il s’agisse de bien faire, mais [que les pleurs] sont dus à une situation très pesante”.
#Merkelstreichelt
Le tout donne l’image d’une dirigeante froide, manquant d’empathie et qui pense pouvoir alléger le fardeau d’une réfugiée menacée d’expulsion par une caresse sur l’épaule.
Les médias et internautes allemands ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. Les principaux journaux, la “Sueddeutsche Zeitung”, la “Frankfurter Allgemeine”, le “Handelsblatt” ou encore “Focus” ont flairé le filon médiatique : la sévèrité d'Angela Merkel face à la détresse d’une jeune réfugiée. Les réseaux sociaux ont largement servi de caisse de résonnance aux critiques adressées à la chancelière. Un hashtag sur Twitter - #merkelstreichelt (Merkel caresse) - a même servi de défouloir. Les uns l’ont utilisé pour exprimer leur dégoût, les autres en ont profité à des fins parodiques, créant des photomontages montrant la chancelière qui essaie de résoudre tous les problèmes du monde d’une simple caresse sur l’épaule.
Griechenlandkrise gelöst! #merkelstreichelt pic.twitter.com/dDykcKUP67
— DiesDasAnanas (@Dies_Das_Ananas) 16 Juillet 2015Mais la condamnation n'est pas unanime. Plusieurs internautes et médias ont souligné qu’ils préféraient voir une chancelière “dure, mais honnête” qu’une politicienne qui feindrait la compassion tout en sachant qu’il n’y a pas de bonnes solutions. Après tout, c’est cette même “honnêteté” brutale que les Allemands ont apprécié chez la chancelière lorsqu’elle a négocié avec le Premier ministre grec, Alexis Tsipras. “Est-ce qu’elle s’est montrée sans cœur ou simplement honnête ?”, s’interroge la “Sueddeutsche Zeitung”.
Le quotidien de centre gauche souligne, en outre, que la vidéo diffusée par la chaîne NDR est une version abrégée de la discussion entre Angela Merkel et Reem. Le cabinet de la chancelière a d’ailleurs mis en ligne, dès jeudi soir, l’intégralité de l’échange où la chancelière donne plusieurs pistes pour améliorer la situation légale des réfugiés en Allemagne.