Quatre jours après un double attentat à Fotokol, les autorités de la région camerounaise de l'Extrême-Nord, cible régulière d'attaques de Boko Haram, ont interdit jeudi le port du voile intégral pour lutter contre les terroristes.
Les autorités locales ont décidé de sévir. Le port du voile intégral a été interdit pour des raisons de sécurité dans la région de l'Extrême-Nord du Cameroun, régulièrement prise pour cible par Boko Haram, a annoncé jeudi 16 juillet le gouverneur de la région. Cette décision fait suite au double attentat, imputé à la secte islamiste, qui a fait 11 morts à Fotokol, ville cémerounaise frontalière du Nigeria, le 12 juillet.
"Le voile intégral est complètement interdit", a déclaré le gouverneur Midjiyawa Bakari. "Nous n'avons pas pris un acte pour formaliser cette mesure, mais les préfets sont en train de veiller à son application", a-t-il assuré, précisant avoir "demandé aux gendarmes et aux policiers d'interpeller toute femme qui porte le voile intégral".
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Selon le gouverneur, le principe d'une telle interdiction avait été arrêté "depuis trois semaines", soit avant ce premier attentat-suicide commis par deux femmes kamikazes, vêtues d’un voile intégral, à Fotokol. Les deux femmes se sont fait exploser dimanche soir à cinq minutes d'intervalle, l'une à l'entrée du camp du Bataillon d'intervention rapide (BIR) et l'autre dans un quartier voisin de cette base. Boko Haram n'a pas revendiqué ces attentats mais utilise fréquemment ce mode opératoire au Nigeria.
Le voile intégral comme camouflage
"Les terroristes changent de stratégie tout le temps et nous devons nous ajuster au fur et à mesure", s’est justifié le gouverneur, anticipant les réticences dans ce pays où les musulmans représentent 20 % d’une population de plus de 23 millions d’habitants (selon les statistiques de la CIA).
L’utilisation des femmes, des jeunes filles et des fillettes fait néanmoins partie des stratégies récurrentes de Boko Haram, qui les utilise comme bombes humaines, notamment en raison de leur tenue. Le voile intégral permet en effet de dissimuler plus facilement une bombe.
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Les attentats "féminins" se sont ainsi multipliés ces derniers mois au Nigeria, pour s’étendre au Tchad et au Cameroun. La méfiance liée à ce mode opératoire a même poussé certaines Nigérianes à abandonner leur tenue traditionnelle de peur d’être prises pour des terroristes. Pour des raisons similaires, le voile intégral a été interdit à la mi-juin au Tchad et en mai dernier dans les lieux publics au Congo-Brazzaville. Le Gabon, pourtant épargné par les violences, a également décidé mardi d'intensifier les contrôles des femmes portant ce voile.
Une mesure insuffisante
Mais il reste à craindre que l'interdiction du port du voile intégral ne suffise à elle-seule à anéantir le risque de tels actes, a néanmoins rappelé le gouverneur camerounais. "Un terroriste peut bien dissimuler un explosif dans son boubou ou dans une veste. Les terroristes peuvent utiliser des motos", a précisé Midjiyawa Bakari. Le deux-roues est en effet un moyen de transport privilégié des islamistes de Boko Haram.
D’autres mesures ont ainsi été prescrites : "le contrôle systématique des véhicules, y compris les bagages, l'interdiction de circulation des motos dans la nuit, l'interdiction de circulation des véhicules aux vitres fumées". À Yaoundé, la capitale, les fidèles musulmans ne sont plus autorisés à entrer dans les mosquées avec des sacs et des sachets.
Avec AFP