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Les Bourses chinoises ont perdu 30 % en moins d’un mois

Les indices des Bourses de Shanghai et de Shenzhen ont perdu 30 % depuis la mi-juin. Une chute brutale qui fait suite à une euphorie entretenue par les politiques pour inciter des investisseurs novices à se lancer dans le placement boursier.

Les milliardaires chinois n’ont pas le sourire. Ces ultra-riches ont virtuellement perdu plus de 34 milliards de dollars en moins d’un mois. La valeur de leurs actifs a fondu à la vitesse de la chute vertigineuse enregistrée par les Bourses chinoises. Et quelle dégringolade : les indices des places de Shanghai et de Shenzhen ont perdu près de 30 % depuis le 15 juin. Vendredi 3 juillet encore, le recul était de plus de 5 %.

Au fil des échecs des autorités à stopper l’hémorragie - la Banque centrale chinoise a essayé par trois fois en une semaine d’inverser la tendance -, la situation est devenue de plus en plus tendue. Le gouvernement chinois a même annoncé, jeudi 2 juillet, qu’il allait traquer “les manipulateurs de marché”.

La Bourse pour tous

Sauf qu’il n’y en a probablement pas. “Il s’agit, en grande partie, d’une correction très brutale d’une situation de très grande euphorie boursière”, souligne Mary-Françoise Renard, directrice de l’Institut de recherche sur l’économie de la Chine (Idrec) à France 24.

L’activité boursière avait, en effet, “connu en 2014 une très forte hausse qui était de plus en plus déconnectée de la réalité économique du pays”, rappelle cette experte. La Bourse était devenue le nouveau terrain de jeu des Chinois qui voulaient faire des profits rapides. “Avec le ralentissement de la croissance, il est devenu moins rentable d’investir dans l’industrie et l’immobilier n’est plus un secteur aussi porteur qu’auparavant, tandis que la nouvelle classe moyenne s'est aussi tournée vers ces placements”, précise Mary-Françoise Renard.

Mais ces Chinois n’avaient pas forcément les moyens de boursicoter comme ils le voulaient. Les courtiers et banquiers n’ont, alors, pas hésité à leur prêter de l’argent dans le seul but d’acheter des actions.

Cette pratique - appelée le “margin trading” (les placements nourris par l’emprunt) - explique en partie la violence du retournement actuel de situation. À partir du moment où une action commence à baisser, tous ceux qui ont parié dessus en ayant emprunté vont être obligés de vendre car sinon ils n’auront plus les moyens de rembourser.

Risque politique pour Xi Jinping

La nouvelle population des investisseurs n’a pas le sang froid des professionnels de la finance. Les deux tiers des nouveaux boursicoteurs ont quitté l’école avant 15 ans, un sur trois est sorti du système scolaire à 12 ans et 6 % sont analphabètes, rappelle “Les Échos” qui cite une grande étude menée fin 2014 par l’Université d’économie et de finance du Sud-Ouest à Chengdu.

Le risque est donc que cette population peu versée dans les arcanes de la Bourse crée une panique boursière dont Xi Jinping ne veut pas. Le dirigeant chinois est, en effet, le principal artisan de la popularité de la Bourse auprès du grand public. “Il a voulu que le financement des entreprises chinoises proviennent davantage des marchés financiers et moins des banques et des autorités publiques”, souligne Mary-Françoise Renard. “Pékin […] a laissé croire à la population chinoise que la Bourse était une grosse martingale où il n’y avait pas de perdants”, a expliqué un gérant de fortune aux “Échos”.

Si la crise boursière perdure, c’est donc tout un pan de la politique économique de Xi Jinping qui risque d’être remis en cause, moins bling-bling que sa lutte contre la corruption, mais qui n’en est pas moins essentiel à l’économie. Les introductions en Bourse ont battu des records en Chine l’an passé, et si les petits investisseurs venaient à déserter les places financières, ces entreprises qui font leur premier pas sur les marchés auraient, tout à coup, bien du mal à lever des fonds.