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Dette grecque : quels alliés reste-t-il à Alexis Tsipras ?

La Grèce n’a jamais été aussi près d’une sortie de la zone euro. L’annonce surprise par Alexis Tsipras d’un référendum prévu le 5 juillet a déçu les créanciers de la Grèce qui refusent néanmoins de fermer la porte au dialogue.

Samedi 27 juin, Alexis Tsipras a franchi la ligne rouge. Faute d’accord avec Bruxelles et le FMI, le Premier ministre grec a annoncé un référendum sur les dernières propositions des créanciers que lui-même refuse d’adopter. Un coup de poing pour ses interlocuteurs. À Bruxelles, où se tenait ce jour-là la réunion de la dernière chance entre les deux parties, la stupeur a prévalu.

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Les ministres des Finances n'ont pas caché leur lassitude et leur irritation face au partenaire grec. Lorsque Yanis Varoufakis, le ministre grec des Finances, est arrivé dans la salle bruxelloise où il était censé achever un accord, samedi, ses confrères l’ont snobé avant de refuser d'accéder à la demande d'Athènes de prolonger le programme d'assistance financière au-delà du 30 juin.

Juncker "trahi"

Le soldat Tspiras est-il seul contre tous ? Il l'est au moins du côté des dirigeants. Dans un discours de plus d’une demi-heure lundi 29 juin, le président de la Commission européenne s'est montré extrêmement critique à l’égard du Premier ministre grec. Jean-Claude Juncker s’est dit "affligé" et "trahi" par l'échec des négociations.

"Je suis profondément affligé par le spectacle qu'a donné l'Europe samedi dernier (...) Après tous les efforts que j'ai déployés, je me sens trahi car mes efforts ont été insuffisamment pris en compte", a déclaré Jean-Claude Juncker devant la presse. Un non au référendum prévu dimanche en Grèce serait "un non à l'Europe", a poursuivi Jean-Claude Juncker, appelant la population grecque à voter "oui". "Il ne faut pas choisir le suicide parce qu’on a peur de la mort", a-t-il ajouté.

Revue de presse sur France 24 : Alexis Tsipras, "le joueur"

Paris n’a pas non plus caché son amertume. Même le ministre français des Finances, Michel Sapin, qu’Alexis Tsipras appelle son "ami", a confié avoir "très mal pris" la décision du référendum "alors que la France aidait et qu'on allait discuter la question du poids de la dette". François Hollande, qui s’est exprimé lundi matin, a déploré la rupture des négociations : "Je regrette ce choix car nous étions tout près d’un accord."

Dans l’opinion, la résistance d’Alexis Tsipras face aux exigences de ses interlocuteurs lui a néanmoins valu des soutiens. Samedi, à Madrid, un rassemblement de solidarité avec le gouvernement grec a réuni plus de 200 personnes, dont Pablo Iglesias, le leader de Podemos, le parti anti-austérité. En Grèce, Tspiras a encore le soutien de son peuple. Mais les Grecs restent majoritairement favorables à l’euro et, selon les premiers sondages, ils approuveraient le plan européen. De fait, ils espèrent éviter le scénario du pire : le "Grexit", la sortie de la Grèce de la zone euro. À l’instar des dirigeants européens.

Objectif : reprise du dialogue

Dans son allocution lundi, François Hollande s’est bien gardé de condamner publiquement cet appel au peuple grec : "La Grèce a décidé de consulter son peuple par référendum et c’est son choix libre", a déclaré le président français. Il a dit vouloir croire qu'un accord restait "possible" et assuré que son pays restait "toujours disponible" pour qu’aujourd’hui le dialogue puisse reprendre.

La négociation entre la Grèce et ses créanciers "peut reprendre à tout moment", a également assuré, lundi sur France Inter, Michel Sapin, ajoutant que la France pourrait être "un trait d'union" en vue d'"un dialogue fructueux". Même position pour le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, qui affirmait au même moment sur RTL qu'il existe encore "des marges" pour avancer. Exhortant en retour le Premier ministre grec à appeler au "oui" pour le référendum, Pierre Moscovici assure que "la porte est toujours ouverte" aux discussions.

Même l'Allemagne, chantre de l'austérité en Europe, est disposée à une reprise des discussions avec son homologue grec Alexis Tsipras. La chancelière Angela Merkel a rappelé lundi que l'échec de l'euro serait celui de l'Europe et appelé au "compromis". "Si nous perdons la capacité à trouver des compromis, alors l'Europe est perdue", a-t-elle dit sans commenter les derniers développements et en prononçant le mot "Grèce" une seule fois

L’Espagne et la Grande-Bretagne restent également ouvertes au dialogue. Le pragmatique chef de file des conservateurs britanniques, David Cameron, a déclaré souhaiter un accord entre Athènes et l'UE dans un "souci de stabilité".

Tspiras lâché par l'Europe centrale

Au centre de l’Europe, on est moins conciliant. Autriche, Slovaquie ou Slovénie poussent sans état d’âme la Grèce vers la sortie de la zone euro. Samedi, le chef du gouvernement autrichien, Werner Faymann, a déclaré que "les Grecs d(evaient) aussi évoluer", lors d’une interview sur la radio publique Ö1 perçue comme un lâchage définitif de la Grèce par l’un de ses principaux soutiens. "Quand les impôts ne sont pas prélevés et que les riches Grecs placent leur argent en Suisse, on ne peut pas rester les bras croisés", a ajouté le chancelier.

En Slovaquie et en Slovénie, Tspiras a tout aussi mauvaise presse. Les Slovaques, premiers de l’ex-bloc soviétique à avoir rejoint la zone euro, n’hésitent pas à donner de la voix. Le ministre des Finances, Peter Kazimir, pousse la zone euro à entrer au plus vite dans les détails techniques "du jour d’après".

Les trois pays sont par ailleurs gagnés par un repli nationaliste et une xénophobie décomplexée. Un "Grexit" risquerait de crédibiliser les discours de tous ceux qui, à l’image de l’extrême droite autrichienne, tirent à boulet rouge sur cette Europe qui finance le Sud avec l’argent "durement gagné" au Nord.

Avec AFP