
Les députés français ont adopté, mercredi, le projet de loi sur le renseignement. Un texte controversé, car il légalise des techniques d'espionnage, au grand dam des défenseurs des libertés individuelles.
Après le Sénat la veille, le Parlement a adopté définitivement, mercredi 24 juin au soir, par un ultime vote de l'Assemblée, le projet de loi controversé sur le renseignement. Celui-ci est défendu au nom de la lutte antiterroriste par le gouvernement mais il légalise des pratiques que ses détracteurs estiment contestables.
En plein scandale d'espionnage des présidents français par les États-Unis, le texte a été voté à main levée par une large majorité gauche-droite, mais avec des voix dissidentes dans presque chaque groupe politique.
Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a mis en garde contre "tout amalgame" ou "certaines confusions" entre son projet de loi et les écoutes pratiquées par la NSA. "Ce projet de loi n'autorise pas une surveillance généralisée mais au contraire l'interdit", a-t-il affirmé, assurant qu'il ne mettait nullement en danger "les libertés individuelles".
Au nom d'une "unité nationale sans faille", Eric Ciotti (Les Républicains) s'est ainsi réjoui d'un "projet de loi nécessaire et positif", position partagée par la "grande majorité" de son groupe. Le Front de gauche a voté en revanche contre une "loi scélérate" tout comme la majorité du groupe écologiste.
Mise en chantier l'an dernier, son élaboration a été accélérée par l'exécutif au lendemain des attentats qui ont fait 17 morts début janvier à Paris.
De la prévention d'attentats à l'espionnage économique, le texte définit un large éventail des missions des services de renseignement, ainsi que le régime d'autorisation et de contrôle de nombreuses techniques d'espionnage (écoutes, pose de caméra ou de logiciel-espion, accès aux données de connexion, etc.).
Saisine du Conseil constitutionnel
Face aux critiques et inquiétudes, François Hollande avait annoncé dès le début du parcours parlementaire du texte qu'il saisirait lui-même, fait inédit, le Conseil constitutionnel afin de s'assurer de sa conformité à la Constitution.
Des députés Les Républicains, écologistes, Modem et même Front national ont défendu ensemble devant la presse mercredi le recours que vont déposer de leur côté une centaine de parlementaires, tout comme le président du Sénat.
Ce texte risque d'aboutir "à une surveillance de masse" dangereuse pour les libertés, a déclaré Pierre Lellouche (LR), un des élus à l'origine de cette initiative avec Laure de la Raudière (LR).
Ces élus relayaient ainsi les craintes de la Cnil (Comission nationale de l'informatique et des libertés), du Défenseur des droits Jacques Toubon, de syndicats de magistrats ou d'acteurs du numérique, sur les pouvoirs "exorbitants" donnés aux services.
Un point en particulier a cristallisé les débats : la mise en place, sur les réseaux des opérateurs, d'outils d'analyse automatique (un algorithme) pour détecter par une "succession suspecte de données de connexion" une "menace terroriste", un dispositif qualifié de "boîte noire" par ses détracteurs qui le comparent aux pratiques de "surveillance généralisée" de la NSA américaine.
Avec AFP et Reuters