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La "Nouvelle Europe" n'échappe pas à la tourmente

C’est la fin des années fastes sur le Vieux Continent. Même les nouveaux États membres de l’Union européenne, ces «champions de la croissance», sont frappés de plein fouet par la crise financière globale.

Depuis le début des années 2000, le rythme de croissance des nouveaux adhérents à l’Union Européenne fait pâlir de jalousie les économies d’Europe occidentale. Ce « miracle économique » se chiffrait à hauteur de 7,5 points de croissance en 2007 et à 6,5 en 2008, selon la Banque Européenne de Reconstruction et de Développement.

Il s’agissait d’un « concours de beauté entre les nouveaux bons élèves de l’Union », plaisante Jean Lemierre, ancien président de la BERD. Invité par le Club Grand Europe au siège du Parlement européen à Paris, il présidait vendredi dernier une conférence sur l’état des lieux de la crise financière dans les nouveaux Etats membres de l’Union. Le terme générique de « nouvelle Europe » leur est associé depuis leur adhésion en deux vagues successives: en 2004 pour les trois pays baltes, la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, la Hongrie, Chypre et Malte. En 2007, c’était le tour des deux derniers entrants : Bulgarie et Roumanie.
 

Bien que fortement revues à la baisse pour 2009 et 2010, ces prévisions de croissance font encore aujourd’hui des envieux. L’Institut viennois d’études économiques comparées a publié jeudi 27 novembre ses chiffres tant attendus (document PDF). La récession dans la zone est évitée : la croissance dans ces pays sera proche de 3% en 2009 et de 3,5% en 2010. Rien de comparable au timide 0,1 point de PIB anticipé par la Commission Européenne pour la zone euro en 2009.

La fin du « concours de beauté »
 

Pourtant, c’est bien de ralentissement économique dont il est question aujourd’hui dans tous les nouveaux Etats membres sans exception. A y regarder de plus près, ces moyennes optimistes cachent des disparités de performance économique considérables.
 

Pologne, Slovénie, République Tchèque et Slovaquie s’en sortent bien. Elles parviennent à maintenir un rythme de croissance assez soutenu, de l’ordre de 5% pour 2009. Ce n’est pas le cas de la Hongrie et des pays baltes qui sont beaucoup plus durement touchés par la crise.
 

La Hongrie a été contrainte de solliciter une aide financière internationale de 20 milliards d’euros auprès du FMI, de l’UE et de la Banque mondiale. Le prêt, moyennant une réduction drastique des dépenses publiques, devrait permettre de remédier aux problèmes de liquidité et de restriction du crédit.
 

Les pays baltes n’ont pas non plus le coeur à la fête. Pourtant considérés depuis leur adhésion en 2004 comme les « tigres baltes de l’Union », ils redécouvrent la récession. Pire encore, ils craignent de subir le même sort que l’Islande, déclarée fin octobre au bord de la faillite. Comme la Hongrie, la Lettonie a demandé à l’Union une aide financière pour éviter la surchauffe de son économie.

Le voisin estonien est lui aussi dans une situation très délicate. Raoul Lattemae, représentant de la Banque centrale estonienne a tenu à expliquer la situation particulièrement préoccupante de son pays lors de son passage au bureau parisien du Parlement Européen.

 
Le spécialiste se veut pédagogue : comme pour les cas letton et hongrois, l'économie estonienne était portée par une offre de crédit pléthorique. La forte hausse des salaires dans les pays baltes pousse à la consommation, elle-même incitée par une politique de crédit « laxiste ». S’ensuit la crise financière démarrée aux Etats-Unis et la perte de confiance des investisseurs étrangers. Ceux-ci rapatrient leurs capitaux vers l’Europe occidentale. Vient s’ajouter une spécificité propre aux pays baltes, non membres de la zone euro : le risque de change. Les estoniens ont été incités à emprunter en euros, grâce à des taux plus avantageux. Quand vient le moment de rembourser, la couronne estonienne dans la poche des particuliers est sous-évaluée par rapport à l’euro à cause de l’effondrement des bourses nationales. Cela devient difficile de rembourser: les prêteurs deviennent méfiants. L’activité ralentit, comme une suite inéluctable.

 
Une crise accélératrice de réformes ?

 
L’ancien président de la BERD reste toutefois confiant dans la capacité de rebond des économies de la nouvelle Europe. « L’entrée dans l’Union Européenne a eu des effets d’ancrage et de stabilité. La situation serait incomparable si ces pays n’avaient pas adhéré à l’Union. Il n’y a qu’à voir les situations dramatiques en Ukraine et en Islande ».
  

La plus grande crainte des économistes spécialistes de la région ne concerne pas la solidité du secteur financier. « Au milieu des années 2000, les économies émergentes avaient autre chose à faire que de miser sur des produits financiers toxiques » ironise Sebastian Mikosz, chef économiste chez Deloitte en Pologne. « Plus préoccupant aujourd’hui est l’impact de la crise financière sur l’économie réelle. On observe déjà un très net recul des exportations vers les pays d’Europe occidentale et une diminution considérable des commandes et de la production».
  

Il estime que la crise est aussi bonne à révéler les fragilités d’un système et permet de recentrer le débat sur des priorités. Pour ces économies, l’urgence serait donc à l’accélération des investissements d’infrastructures (retraites, éducation, formation), pour instaurer une vraie compétitivité, dans la perspective de leur entrée dans la zone euro.

Si les nouveaux entrants ne sont pas encore dans la zone euro, c’est qu’ils ne satisfont pas encore aux conditions requises par le Traité de Maastricht, ou qu’ils ne le souhaitent pas, comme le Royaume-Uni, le Danemark ou la Suède. Pour les candidats, le calendrier de leur adhésion est prévu au cas par cas. La Slovaquie intégrera la zone dans quelques semaines, au 1er janvier 2009. A ce jour, la Lettonie et l’Estonie postulent pour 2010, mais rien n’est moins sûr. En témoigne le cas de la Lituanie, recalée pour 2010, à cause d’une fièvre inflationniste. La Bulgarie devrait être prête pour 2011. Pologne et République Tchèque tablent sur 2012, alors que Hongrie et Roumanie devraient patienter une année de plus.

A ce jour, l’éventuelle modification du calendrier d’entrée de ces économies dans la zone euro n’est pas à l’ordre du jour. La question de son report se posera peut être plus vite que prévu...