Le "combat du siècle", qui a opposé dimanche Floyd Mayweather à Manny Pacquiao, a prouvé que Periscope et Meerkat, les nouvelles applications de diffusion vidéo en direct, peuvent être une menace pour les chaînes payantes.
D'un côté du ring, les chaînes payantes américaines HBO et Showtime demandaient aux téléspectateurs, dimanche 3 mai, environ 100 dollars pour pouvoir regarder le “combat du siècle”, que Floyd Mayweather a remporté face à Manny Pacquiao. De l'autre, des dizaines ou des centaines d’internautes qui diffusaient en direct, gratuitement et illégalement l’intégralité de ce combat en utilisant Periscope, la nouvelle application vidéo de Twitter, ou son concurrent Meerkat.
Ils n’étaient même pas, pour la plupart, au MGM Grand Arena de Las Vegas pour filmer en direct l’événement, souligne le site américain Mashable. Il leur suffisait d’être affalés dans leur canapé et de pointer leur iPhone vers leur téléviseur et le tour était joué. C’est le premier événement d’importance à être ainsi diffusé par les utilisateurs de ces deux applications qui ont débarqué en fanfare, il y a un peu plus de deux mois seulement. "J’ai pu choisir entre des dizaines et des dizaines de retransmissions, dont certaines se concentraient uniquement sur les images du combat et d’autres intégraient les commentaires de convives invités pour l’occasion", raconte ainsi une journaliste de Mashable.
Ces retransmissions illégales en direct provenaient d’un peu partout dans le monde. Certains diffusaient depuis une colocation à Barcelone, a constaté le site The Verge, tandis que d’autres se trouvaient dans un commissariat d'un pays africain, d’après Mashable. Plusieurs diffuseurs privés ont eu des pics de connexion de près de 10 000 internautes. Une cyber-marée de visionneurs qui a illustré mieux que n’importe quel rapport d’audimat l’importance de ce combat de boxe aux yeux des amateurs du monde entier. Et le danger que représentent ces applications pour les chaînes de télé.
Adouber les pirates ?
"Et le vainqueur est… Periscope !", s’est félicité après le match Dick Costolo, le PDG de Twitter, qui a racheté l'application en mars 2015. "C’est l’une des choses les plus stupides prononcées par un responsable de société technologique", a réagi Danny Sullivan, l’un des journalistes high-tech les plus influents, sur le site Marketing Land.
And the winner is... @periscopeco
— dick costolo (@dickc) 3 Mai 2015Pour lui, la remarque de Dick Costolo revenait à adouber les pirates. "HBO et Showtime ont acquis les droits exclusifs de diffusion du combat et toute personne qui le suivait grâce à Periscope ou Meerkat privait ces chaînes de revenus", explique-t-il. Avant le début du combat, les deux chaînes avaient d’ailleurs poursuivi plusieurs sites qui avaient annoncé leur intention de passer par Periscope pour relayer l’événement. Quant aux particuliers, leur sort judiciaire n'est pas encore fixé.
La plupart des internautes n’avaient pas prévenu à l’avance qu’ils filmeraient en direct ce combat. L’affrontement entre Floyd Mayweather et Manny Pacquiao a, ainsi, donné lieu à une déclinaison du jeu du chat et de la souris. À chaque fois qu’un diffuseur "du match du siècle" commençait à avoir trop de "cœurs" - l’équivalent des "Like" de Facebook pour Periscope -, son canal de diffusion était fermé, probablement par Twitter.
Mais l’alternative n’était qu’à un clic de là, le plus difficile étant de trouver un flux de bonne qualité visuelle. Les internautes ont, ensuite, fini par demander, sur le réseau de micro-blogging, de ne pas faire la promotion de tel ou tel diffuseur afin de ne pas attirer l’attention.
People begging people to stop hearting during the fight. Hilarious. pic.twitter.com/zl2n5Y5VQj
— Christina Warren (@film_girl) 3 Mai 2015Pour les chaînes de télévision et, plus généralement, pour Hollywood, cette utilisation massive de Periscope a dû être ressentie comme un violent uppercut. De quoi réveiller le secteur. En mars dernier, un représentant de la puissante association américaine des producteurs de cinéma, Motion Picture Association of America, estimait encore que Meerkat et Periscope étaient loin d’être aussi inquiétants que le piratage à grande échelle des films et séries. À peine un mois plus tard, la chaîne HBO envoyait ses premières injonctions aux responsables de sites qui proposaient la diffusion en direct et gratuite d’épisodes de "Game of Thrones", pour leur demander d’arrêter.
Le "combat du siècle" a prouvé que Periscope et Meerkat pouvaient être un puissant perturbateur du paysage médiatique. Et la situation risque d'empirer lorsque Periscope sera aussi disponible sur les smartphones Android qui, dans le monde, sont bien plus nombreux que les iPhone.