Après Google, Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la Concurrence, devrait accuser le géant russe Gazprom de pratique anticoncurrentielle. Un activisme politique qui fait de cette Danoise la star du moment de la Commission Juncker.
Elle aime coudre des éléphants pendant les réunions de travail et s'en prendre à des pachydermes économiques. La commissaire européenne à la Concurrence Margrethe Vestager est en train de devenir la star incontestée de la Commission Juncker. Les médias ne parlent, en effet, plus que d'elle et ses combats contre des poids lourds.
Cette Danoise de 47 ans s'apprête à accuser officiellement le géant russe Gazprom de pratiques anticoncurrentielles, à peine une semaine après avoir lancé une procédure pour abus de position dominante contre le roi de l'Internet, Google. Elle pourrait envoyer la lettre de griefs au groupe russe dès mercredi 22 avril, selon des sources européennes citées par plusieurs médias.
Irriter Moscou et Washington
Sa probable offensive contre Gazprom lui a déjà valu l'ire de Moscou. "Toute charge de ce type contre Gazprom serait vue comme une sanction supplémentaire de l'Union européenne contre la Russie”, a déclaré une source proche du Kremlin à Reuters, lundi 20 avril. Son action contre Google avait également déplu en (très) haut lieu. Le président américain Barack Obama avait jugé, en février 2015, que la procédure européenne pouvait être assimilée à du protectionnisme anti-américain.
Pas mal pour quelqu'un qui n'est en poste que depuis six mois à peine. Surtout par rapport à son prédécesseur, l'Espagnol Joaquin Almunia, qui avait été critiqué pour chercher le compromis à tout prix et parfois sans succès, notamment dans le dossier Google.
Margrethe Vestager apparaît plutôt comme une Scandinave qui n'a pas froid aux yeux et n'est pas là pour perdre du temps en discussions stériles. Dans un long portrait qui lui est consacré, le "New York Times" insiste d’ailleurs beaucoup sur sa réputation de négociatrice sans pitié et de "politicienne au sang froid". "Il y a un nouveau shérif en ville qui veut envoyer le signal que c'est une dure", assure Christian Bergqvist, un professeur danois en droit de la concurrence, au célèbre quotidien américain de la côte est.
Plus Borgen que Machiavel
Mais ce portrait de la commissaire européenne telle une machine politique en tailleur ne rend, très probablement, pas entièrement justice à la personnalité et au parcours de cette star danoise de la politique. Avant de devenir l'une des pointures de la Commission Juncker, elle était ministre de l'Économie et chef de file du parti social-libéral.
Pour l'observateur extérieur, elle peut passer pour l'autre femme du paysage politique danois, qui aurait évolué dans l'ombre de la socialiste et actuelle Premier ministre, Helle Thorning-Schmidt. Pourtant, Margrethe Vestager est plus qu'un simple second couteau au pays d'Hamlet. Cette diplômée de sciences politiques a été, en 1998, la première femme à devenir ministre au Danemark avant 30 ans. À 29 ans seulement, elle était en charge de l'Éducation et des Affaires écclésiastiques.
Au fil des ans, cette mère de trois enfants est devenue une figure incontournable de la vie quotidienne des Danois. À tel point qu'elle est même surnommée "Margrethe III", en référence à Margrethe II, l'actuelle reine du Danemark. Sa propension à utiliser Twitter, un outil dont elle se dit "fan", a contribué à sa popularité. Notamment, lorsqu'elle se filme en chaussettes dépareillées dans le cadre d'un challenge pour soutenir la recherche sur la trisomie 21...
Elle a aussi, en grande partie, inspirée le personnage principal de la série politique à succès "Borgen". L'actrice principale de ce "À la Maison Blanche" scandinave avait reconnu avoir suivi Margrethe Vestager pendant plusieurs mois pour s'imprégner de sa façon d’être. Rappelons que Birgitte Nyborg Christensen, l'ambitieuse politicienne de la fiction danoise, ne correspond pas à l'archétype de la politicienne froide et calculatrice. Loin de la manière dont certains médias outre-Atlantique ont entrepris de dépeindre la nouvelle commissaire à la Concurrence.