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Les églises de Paris seront rénovées, mais jusqu’à quel point ?

La maire de Paris, Anne Hidalgo, a annoncé le 10 avril un plan de rénovation du patrimoine religieux parisien pour 80 millions d’euros sur six ans. Un budget en progression de 20 %, toujours insuffisant selon les acteurs patrimoniaux.

Une fissure large comme le bras. Le linteau de la grande porte de l’église de la Madeleine, dans le VIIIe arrondissement de Paris, a vécu. "L’église a été bâtie sur un terrain meuble, explique son curé le père Brunot Horaist. On lui a infligé la ligne 8 du métro, puis la 12, puis un parking souterrain… Mais c’est la 14 qui lui a été fatale." C’est là que le linteau a lâché. Entre humour et amertume, l’homme d’Église décrit l’état, "mauvais, comme pour la plupart des églises parisiennes", de la Madeleine. "La pollution érode les corniches et fait le bonheur des cordistes savoyards : tout le bâtiment est emmailloté dans des filets de protection. On ne peut que remercier le ciel de ne pas être propriétaire."

Riant sous cape, le père Horaist résume la situation des églises parisiennes : la mairie de Paris possède 86 églises depuis la révolution. Ajoutez à cela 11 temples et deux synagogues et vous obtenez un vaste patrimoine religieux très coûteux à entretenir. Anne Hidalgo, à la tête de la ville, a annoncé le 10 avril que le budget consacré à cet entretien et aux rénovations nécessaires sera de 80 millions d’euros d’ici à 2020, soit 13,3 millions par an. Une augmentation de 20 % par rapport au budget de la précédente mandature, assurée par Bertrand Delanoë. Mais toujours pas à la hauteur des 15 millions par an qu’avait accordés ce dernier lors de son premier mandat.

"C’est un progrès, reconnaissons-le. Mais c’est insuffisant", lâche Régis de Savignac, spécialiste du patrimoine religieux de SOS Paris. Son association, avec l’aide de l’Observatoire du patrimoine religieux (OPR), estimait l’an dernier qu’il faudrait au moins 500 millions d’euros pour "faire les réparations les plus urgentes et éviter des catastrophes dans les 15 ans à venir", un "minimum" pharaonique qui reflète l’état de décrépitude des lieux de culte parisiens.

Fin mars, par exemple, un morceau de la croix de l’église Saint-Louis-en-l’Île (IVe arrondissement) a carrément lâché. Trois kilos cinq ont ainsi frôlé le curé de la paroisse, à la sortie de la messe. Résultat : deux semaines plus tard, Saint-Louis-en-l’Île figure en bonne place dans le projet d’Anne Hidalgo. Un "plan pour le patrimoine cultuel" dont les acteurs du monde patrimonial s’accordent à reconnaître les efforts. "Quatre-vingts millions, ce n’est pas rien quand on connaît les limites budgétaires de la ville, reconnaît François Montel, délégué pour l’Île-de-France de la Fondation patrimoine. Il faudrait toujours davantage. Mais Paris a bien préparé le dossier en amont, en prévoyant une vingtaine de rénovations alors qu’avant, la mairie lançait de gros travaux un peu tard, comme pour la Tour Saint-Jacques."

Car même si ce n’est pas assez, peu d’associations, fondations ou paroisses pourraient investir autant. Les rénovations architecturales ont un coût. Et il est parfois colossal. "La rénovation de grandes églises peut engloutir jusqu’à plusieurs dizaines de millions. Celle de la tour nord de Saint-Sulpice avait par exemple coûté 30 millions", rappelle l’économe du diocèse de Paris Philippe de Cuverville, qui administre les biens de l’Église dans le secteur. À la Madeleine, il faudrait en l’occurrence "au moins 50 millions", estime le père Horaist, et la mairie n’en a prévu que trois. "Mais on serait bien incapables de dégager ne serait-ce que ces trois millions, pourtant ridicules au regard des besoins."

Des besoins, dont celui notamment de rendre les lieux de culte à nouveau accueillants. Que leurs façades ne soient plus enlaidies par ces filets hideux, alors qu’ils attirent un nombre considérable de touristes (plus de 700 000 par an pour la Madeleine) dans la ville la plus visitée du monde. Pour cela, le salut viendra peut-être du mécénat. Anne Hidaldo, pour la première fois, a laissée ouverte cette possibilité. Elle prévoit jusqu’à 20 millions supplémentaires venant de financements privés.