Le jeune basketteur français Rudy Gobert a terminé en trombe sa deuxième saison en NBA, s'imposant sous les couleurs du Utah Jazz comme l'une des révélations de l'année aux États-Unis. Et ce géant a confié à France 24 qu'il visait encore plus haut.
Les Américains connaissaient surtout Tony Parker et Joakim Noah, ils doivent maintenant se familiariser avec le nom d’un autre basketteur français : Rudy Gobert. Arrivé dans le championnat nord-américain de basket (NBA) à l’été 2013, ce joueur de 22 ans pourrait en effet obtenir une première distinction individuelle, dès sa deuxième année dans la prestigieuse ligue, en décrochant dans quelques jours le trophée du joueur ayant le plus progressé en 2014/15 ("Most Improved Player Award").
Avec un temps de jeu limité à une dizaine de minutes par match lors de sa première saison, Rudy Gobert n’avait eu que très peu d’occasions de briller sur les parquets avec son équipe, le Utah Jazz. Mais, du haut de ses 2,16 m, et avec une envergure mesurée à 236 cm, la plus grande de toute la NBA, le fils de Rudy Bourgarel, ancien joueur de championnat de France (de 1984 à 1994) avait pourtant quelques arguments à faire valoir. Mais le pivot turc Enes Kanter, plus expérimenté, lui barrait la route.
Personne ne s’attendait vraiment à le voir exploser lors de sa deuxième saison, d’autant plus que l’apprentissage, chez les joueurs de grande taille, prend généralement du temps. Mais Rudy Gobert est plutôt du genre pressé. "J’étais très motivé en début de saison et je savais que j’avais tout à prouver, explique le pivot français, contacté par France 24. Au début, je ne jouais pas beaucoup mais je sentais que le coach comptait sur moi. J’ai été patient et je suis resté concentré. Puis Kanter a été transféré et je me suis dit que j’avais enfin une opportunité de montrer ce que je pouvais faire et de prouver aux dirigeants qu’ils avaient eu raison de me faire confiance."
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Devenu titulaire de l'équipe à son poste le 20 février, après le départ de son coéquipier turc Enes Kanter pour le Thunder d'Oklahoma City, le pivot français enchaîne alors les bons matchs. Il devient progressivement l’un des meilleurs joueurs de la ligue pour repousser les tirs de ses adversaires (contres) ou récupérer les ballons après des tirs manqués (rebonds). Ses statistiques en attestent : ces deux derniers mois, il a tourné à 11,1 points, 13,4 rebonds et 2,6 contres en 34 minutes en moyenne, contre 6,9 points, 7,3 rebonds et 2,2 contres en 22 minutes auparavant. Et surtout, son équipe s'est mise à gagner : 19 victoires pour 10 défaites lors des 29 dernières rencontres de la saison – qui s’est achevée mercredi 15 avril –, alors que le Utah Jazz était à 19 victoires et 34 défaites, sur les 53 matches d'avant sa titularisation.
Surnommé "The Stifle Tower" et "Gobzilla"
"Rudy a eu la chance de tomber sur une franchise qui lui a fait confiance en lui donnant les pleins pouvoirs sur son poste, mais encore fallait-il justifier cette confiance", souligne Patrick Beesley, le directeur technique national (DTN) de la Fédération française de basket, contacté par France 24. "Il a su sauter sur l’occasion et a eu des résultats conséquents et a confirmé le rôle majeur qu’il pouvait avoir."
Pas encore totalement à l’aise sur son jeu offensif, notamment dos au panier, c’est surtout en défense que Rudy Gobert se fait remarquer. Ses qualités athlétiques, son abattage défensif et ses actions spectaculaires impressionnent tellement que les fans et les médias américains lui donnent bientôt plusieurs surnoms comme "The Stifle Tower" (jeu de mot avec "Eiffel Tower" et le verbe "to stifle" qui signifie "étouffer" en anglais) ou "Gobzilla" en référence au monstre japonais Godzilla.
"Ça me fait rire, dit-il. J’aime bien le côté français avec la tour Eiffel. Et puis ça montre que les fans et les médias m’apprécient. Je fais partie du paysage maintenant."
Sa réussite, Rudy Gobert la doit pour beaucoup à sa confiance. Né à Saint-Quentin (Aisne) en 1992, il intègre le centre de formation du Cholet Basket en 2010, avant de faire le grand saut vers les États-Unis trois ans plus tard. Déjà à cette époque, il parle de NBA alors que sa carrière française n’a même pas encore décollé. Même chose lorsqu’il s’installe dans la capitale des Mormons à Salt Lake City. D’emblée son objectif est clair : s’imposer au sein du Utah Jazz et marquer l’histoire de son sport. Le Français détonne en affichant ainsi ses ambitions.
"Je n’ai jamais eu l’impression d’être un vantard, j’essaie juste de juger mes performances en étant objectif et en étant conscient de mes capacités", estime Rudy Gobert, qui n’hésite pas à affirmer qu’il veut devenir un jour le meilleur défenseur de la NBA et atteindre le statut de "All-Star", un titre honorifique désignant les meilleurs joueurs du championnat. "L’aspect mental compte énormément, poursuit-il. Ici c’est un peu une jungle, il y a des gens qui essaient de vous tirer vers le bas, ça peut vite mal finir. Mais personnellement, je me suis toujours fixé des objectifs plus élevés que ceux que les gens fixaient pour moi. Après c’est bien d’avoir confiance en soi, mais il faut aussi faire ce qu’il faut derrière."
Un match référence face à l'Espagne au Mondial 2014
Rudy Gobert possède cette aptitude à relever les défis. Il l'a notamment démontré en septembre 2014 lors du quart de finale du Mondial 2014 contre l’Espagne, vice-championne olympique. Face aux frères Pau et Marc Gasol, deux joueurs vedettes du championnat nord-américain, le jeune pivot français est parvenu à tenir son rang, jouant un rôle décisif dans la victoire finale de l’équipe de France. Une performance qui restera sans doute à jamais l’un des matches références dans sa carrière. Le moment où celle-ci a réellement pris son envol. "Personne n’aurait imaginé qu’il puisse mettre les frères Gasol en difficulté et pourtant c’est ce qu’il a fait, se souvient Patrick Beesley. Ce match a été un déclic pour lui au niveau de l’équipe de France, mais aussi pour la suite de sa carrière en NBA."
"En fait, le déclic a davantage été pour les gens que pour moi, estime toutefois Rudy Gobert. J’ai eu l’impression que mes coéquipiers ne me reconnaissaient pas. Pourtant, avant la rencontre, au fond de moi, je pensais déjà être capable de tenir les frères Gasol."
Avec le nouveau forfait de son modèle, Joakim Noah, qui ne participera pas au prochain EuroBasket, organisé en septembre 2015 en France, Rudy Gobert aura donc l’occasion de s’affirmer encore plus avec les Bleus et de montrer qu'il pourra en devenir l’un des futurs patrons lorsque Tony Parker et le capitaine Boris Diaw auront pris leur retraite internationale.