L'Espagne et le Portugal ont répliqué, dimanche, au Premier ministre grec qui les accuse de vouloir conduire son pays à "une asphyxie financière". En retour, Madrid et Lisbonne lui reprochent de chercher des boucs émissaires à ses difficultés.
Premier accrochage diplomatique pour la Grèce. Alexis Tsipras s’est attiré les foudres de l’Espagne et du Portugal après avoir accusé les gouvernements conservateurs de Madrid et Lisbonne d'avoir voulu conduire son pays à "une asphyxie financière" lors des négociations entre Athènes et l'Union européenne.
S’exprimant, samedi, devant les membres de Syriza, son parti anti-austérité, Tsipras a déclaré que "les pressions sur la Grèce pendant ces négociations avaient eu tout du chantage". "On était sur un terrain miné, les forces conservatrices en Europe ont tenté de nous piéger pour nous conduire à une asphyxie financière", a-t-il dénoncé, estimant que "le plan de ces puissances était de conduire le gouvernement grec, qui prône la fin de la politique de l'austérité en Europe, à la capitulation".
Au pouvoir depuis les élections de fin janvier, le Premier ministre grec a expliqué que les gouvernements de droite en place à Madrid et Lisbonne redoutent un "effet Syriza" lors de leurs propres élections législatives à venir cette année. "Nous avons été confrontés à un axe de puissances conduit par les gouvernements d’Espagne et du Portugal qui, pour des raisons politiques évidentes, ont tenté de pousser l’ensemble des négociations à la rupture", a-t-il dit.
Madrid et Lisbonne outrés
Des accusations mal digérées par Madrid et Lisbonne qui, dimanche 1er mars, ont reproché à Alexis Tspiras de chercher des boucs émissaires à ses difficultés intérieures. "Le parti de la gauche radicale a décidé que la faute des problèmes de la Grèce retombait sur le gouvernement du Portugal et le gouvernement espagnol", a ironisé le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy.
"Nous ne sommes pas responsables de la frustration qu'a créée la gauche radicale grecque en faisant des promesses qu'elle savait intenables", s'est-il emporté devant des militants de son parti à Séville en Andalousie (sud).
Le ton était tout aussi outré au Portugal. Ces accusations "sont totalement absurdes et (...) tristes de la part d'un dirigeant qui devrait être à la hauteur de ses responsabilités", a fustigé Marco Antonio Costa, porte-parole du parti gouvernemental de centre-droit PSD. Les déclarations de M. Tsipras "sont très graves, lamentables et fausses", et "les difficultés internes que traverse Syriza ne suffisent pas à justifier" de tels propos, a-t-il assuré en marge d'une réunion des partis au pouvoir à Porto.
Protestations auprès de Bruxelles
Au-delà des déclarations, les gouvernements espagnol et portugais ont protesté officiellement auprès de Bruxelles. Le Premier ministre portugais Pedro Passos Coelho a "exprimé sa perplexité dans une note envoyée aux institutions européennes par des voies diplomatiques", selon l’un de ses porte-parole. Madrid a pour sa part appelé le Conseil européen et la Commission européenne à "condamner les déclarations" de Tsipras, selon une source du gouvernement espagnol.
Les conservateurs portugais et Mariano Rajoy ont nié publiquement avoir adopté une position plus dure que d'autres gouvernements de la zone euro lors des négociations, ce dernier soulignant dimanche que les décisions du groupe se prennent à l'"unanimité". "L'Espagne a été et restera solidaire du peuple grec", a martelé le dirigeant espagnol, faisant valoir qu'elle avait aidé la Grèce alors que Madrid se trouvait en "extrême difficulté".
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Berlin dénonce "une faute" de Tsipras
Le gouvernement allemand a estimé, lundi 2 mars, qu'Alexis Tsipras avait commis "une faute" en accusant samedi l'Espagne et le Portugal d'avoir voulu conduire son pays à une asphyxie financière lors des négociations sur la dette grecque. Cette déclaration de M. Tsipras "était une faute très inhabituelle selon les critères européens. Cela ne se fait pas dans l'Eurogroupe", a déclaré Martin Jäger, porte-parole du ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble. Les relations entre Berlin et Athènes se sont nettement tendues depuis l'arrivée au pouvoir en Grèce de la gauche radicale Syriza, qui a promis de remettre en cause la politique de réformes économiques défendue par l'Allemagne en Europe.
Avec AFP et Reuters