
Le monde du sport est dans l'attente de la parution d'un livre qui pourrait changer la face du rugby. L'ouvrage, intitulé "Rugby à charges, l'enquête choc", promet de nombreuses révélations sur un sport qui serait frappé de plein fouet par le dopage.
Le rugby, ce sport de voyous pratiqué par des gentlemen, selon l'expression consacrée, est-il vraiment "dans la même situation que le cyclisme avant l'affaire Festina", comme l'avait assuré Laurent Bénézech en avril 2013 ? Moins de deux ans après la polémique déclenchée par l'ancien talonneur international, un livre fait resurgir le spectre du dopage dans le rugby, s'attaquant notamment au XV de France, qui aurait été accro aux amphétamines dans les années 1980.
Pour l'instant, peu ou pas de voyous ont été jugés et condamnés dans des affaires de dopage et beaucoup de gentlemen sont montés au créneau pour défendre le rugby, au cœur des suspicions, et ses fameuses valeurs.
Mais l'ouvrage, qui doit paraître le 5 mars et s'intitule "Rugby à charges, l'enquête choc" (éd. La Martinière) montre qu'une culture dopante s'est répandue depuis longtemps dans la discipline. Son auteur, le journaliste Pierre Ballester, cite notamment Jacques Mombet, médecin du XV de France de 1975 à 1995, selon lequel la prise d'amphétamines était monnaie courante dans les années 1970 et 1980.
"Comme c'était généralisé, je l'ai vu également en équipe de France. Ils avaient chacun leur pilule devant leur assiette lors du repas d'avant-match. C'était comme ça à tous les matches", affirme Jacques Mombet.
Selon lui, les joueurs "étaient libres d'en prendre ou pas". "Même les Blanco, Sella, Berbizier?", le relance Ballester. "Non, pas eux. Ou alors, c'était très exceptionnel", répond l'ancien médecin.
Un France - Nouvelle-Zélande en 1986 comme référence
Selon lui, le match où "cela s'est vu le plus" est le France - Nouvelle-Zélande de Nantes, en 1986 (16-3). Sur le terrain, des légendes du rugby français comme Daniel Dubroca, Jean-Pierre Garuet, Pierre Berbizier, Philippe Sella ou Serge Blanco.
"Les Blacks se sont rendu compte que leurs adversaires, méconnaissables par rapport à la semaine précédente, étaient chargés", affirme Mombet. "Ils ont alors porté discrètement l'affaire devant le Board [l'International Rugby Board, IRB, NDRL], qui a averti le ministère des Sports, lequel a mis au courant la fédération [française]. Je crois que c'est ensuite que l'interdiction des amphétamines a été activée dans le rugby", poursuit-il.
Selon Mombet, la Fédération et son président d'alors, Albert Ferrasse, étaient au courant de ces pratiques. "À l'époque, on n'avait pas la même approche que maintenant [par rapport au dopage, NDLR]. Et puis la confiance, ça voulait dire aussi fermer les yeux", déclare-t-il.
Ces révélations précises corroborent de nombreux témoignages plus généraux ces dernières années.
"Le monde du sport était gavé aux amphétamines"
Ainsi, interrogé au Sénat par la commission d'enquête de lutte contre le dopage en avril 2013, Bernard Laporte, ancien sélectionneur du XV de France et joueur de la fin des années 1980 et du début des années 1990, affirmait n'avoir "jamais eu affaire à un partenaire, ni entraîné un joueur qui se dopait". Avant de poursuivre par une tirade peu ambiguë.
"Il y a vingt-cinq ans, quand je jouais, nous prenions tous des cachets de Captagon [amphétamines, NDLR], sans savoir que c'était interdit. À revoir les matchs, je peux dire que ce n'est pas ça qui nous rendait meilleurs !"
Il avait été rejoint par l'ancien demi de mêlée international Jean-Pierre Elissalde, qui avait assuré dans une interview au "Figaro" que "le monde du sport était gavé aux amphétamines" dans les années 1970-80. "Je suis persuadé que pour des gens de ma génération, les amphétamines, c'était affaire courante", avait-il renchéri.
Sollicité mardi par l'AFP, l'ancien international et sélectionneur Pierre Berbizier n'a pas souhaité s'exprimer, tout comme Serge Blanco, actuel vice-président de la Fédération française (FFR).
Le livre dresse en outre un tableau sombre de certaines pratiques supposées dans le rugby actuel, mettant l'accent sur les zones d'ombre des compléments alimentaires et les limites des tests.
"Entre une surveillance et des contrôles qui débouchent au mieux sur des soupçons, entre des molécules connues mais indétectables, d'autres, inconnues, qui arrivent sur le marché, le juteux business qui en découle, des pays qui n'ont pas de réglementation ou si peu, la lutte antidopage se casse les dents sur un mur", écrit notamment Ballester.
Avec AFP