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"Boko Haram passe dans une autre dimension médiatique, celle de l'EI"

La secte islamiste nigériane Boko Haram a diffusé une vidéo qui respecte les codes des productions de l’organisation de l’État islamique et a tweeté en anglais et en français, signe que la communication du groupe s’affine.

Les islamistes nigérians de Boko Haram ne s’affirment pas seulement par la force sur le terrain : ils viennent de passer à la vitesse supérieure sur le plan médiatique. Samedi 21 février, ils ont diffusé sur Internet une vidéo de propagande de plus de 13 minutes, dont la production est calquée sur celles de l’organisation de l’État islamique (EI) : images de combats où l’on entend les balles siffler, ralentis hollywoodiens sur des tirs d’artillerie, etc.

Le Jamaat ahl al-Sunna lil Daawa wal Jihad (pour Groupe sunnite pour la prédication et le jihad, GSPJ), communément appelé "Boko Haram", "passe clairement à la vitesse supérieure [en terme de communication]", explique Wassim Nasr, journaliste à France 24 et spécialiste des mouvements jihadistes. "Ils se sont inspirés des vidéos de l’EI, en ont repris les codes et notamment les hymnes."

Des images au cœur des combats

Dans la vidéo, on peut voir de nombreux combattants islamistes, dont de jeunes adolescents, partir à l’assaut de positions de l’armée nigériane et de ses milices supplétives. Certaines ont été tournées lors de la prise de la base militaire de Baga, dans l’État de Borno, dans le nord-est du Nigeria. À cette occasion, des véhicules militaires et des caisses d’armes et de munitions saisis aux soldats sont exhibés. Des dizaines de militants s’affichent lourdement armés de mitrailleuses, fixées sur des pick-ups, de kalachnikovs et de lances-roquettes.

>> À lire sur France 24 : "Le mode de fonctionnement de Boko Haram reste flou"

C’est la première fois que Boko Haram diffuse de telles images, filmées au cœur des combats. Certaines scènes visent d’ailleurs à vanter la bravoure des combattants islamistes, comme celle où l’un d’entre eux, lance-roquettes à l’épaule, monte sur une butte pour tirer une roquette sous un feu nourri. Ou une autre, sans doute inspirée de "Flames of war", un "documentaire" (55 min, en haute définition) de l’EI, où un combattant monte sur le dos d’un "frère" pour tirer au-dessus d’un mur avec sa kalachnikov. Enfin, une séquence montre des militants islamistes tomber au combat en "martyrs".


Un tweet en français

Il y a quelques semaines encore, les vidéos du groupe d’Abubakar Shekau, de qualité médiocre, étaient transmises à l’AFP par cassettes ou clés USB. Elles mettaient souvent plusieurs jours à arriver, l’agence décryptait la vidéo dans ses dépêches et en envoyait des extraits à ses abonnés. Maintenant, Boko Haram diffuse seul ses vidéos, notamment via le compte Twitter de sa branche médiatique, Al-Urwa al-Wuthqa ("L’anse la plus solide").

Ce même compte Twitter, qui émettait jusqu’à présent en arabe et plus rarement en anglais, a tweeté en français, dimanche 22 février en fin d’après-midi. Ce tweet qualifiait d'"intox" les affirmations de l’armée nigériane qui se félicitait d’avoir repris la ville de Baga aux mains des islamistes. À ce tweet en français s'ajoutaient deux autres, l'un en arabe, l'autre en anglais : une communication internationale, trois langues qui permettent de toucher un auditoire large, dans la région et au-delà, mais aussi d'obtenir l'attention de l'EI et de ses soutiens.

Samedi, dès sa mise en ligne, la vidéo a été partagée sur les réseaux sociaux par des comptes proches de l'EI. Mais, pour le moment, Boko Haram n’a pas prêté allégeance au "califat" d’Abou Bakr al-Baghdadi. En tout cas, "avec cette vidéo, Boko Haram passe dans une autre dimension médiatique, celle de l'EI", résume en un tweet David Thomson, journaliste à RFI.