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Face à la menace Boko Haram, le Nigeria reporte son élection présidentielle

La commission électorale nigériane a repoussé au 28 mars la tenue des élections présidentielle et parlementaire. Un report motivé par la crainte d'attentats de Boko Haram durant les scrutins. L'opposition s'insurge.

Les élections présidentielle et parlementaire au Nigeria ont été reportées de six semaines, a annoncé, samedi 7 février, la commission électorale, qui cède ainsi à des demandes liées aux difficultés logistiques et aux craintes pour la sécurité en raison des attaques de Boko Haram.

"Si la sécurité du personnel, des électeurs, des observateurs électoraux et du matériel électoral ne peut pas être garantie, la vie de jeunes hommes et femmes innocents ainsi que la perspective d'élections libres, justes et crédibles seraient grandement compromises", a déclaré devant la presse Attahiru Jega, président de la Commission électorale nationale indépendante (Inec), après plusieurs rencontres à huis clos avec la classe politique, la société civile et les membres de l'organe électoral.

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Les élections présidentielle et parlementaire, qui devaient se tenir le 14 février, ont été repoussées au 28 mars. Les élections de gouverneurs ont été décalées également de six semaines, au 11 avril. Le secrétaire d'État américain, John Kerry, a déclaré samedi soir que les États-Unis étaient "profondément déçus" par ce report, en relevant "l'importance" de s'assurer qu'il n'y en ait pas de nouveau.

"Un recul majeur pour la démocratie"

Jusqu'à samedi, l'Inec, sous forte pression, avait résisté aux demandes de report des scrutins qui se sont multipliées ces dernières semaines dans le pays, y compris au sein d'instances officielles, et elle avait assuré à plusieurs reprises être prête pour l'échéance du 14 février.

Au total, 14 candidats sont en lice pour la présidentielle qui, selon plusieurs analystes, devrait se jouer entre deux favoris : le chef de l'État sortant Goodluck Jonathan, 57 ans, sous les couleurs du Parti démocratique populaire (PDP) et l'ex-général Muhammadu Buhari, 72 ans, en compétition pour le Congrès progressiste (ACP), principale formation de l'opposition.

Avant la déclaration de Attahiru Jega, le secrétaire national du PDP, Wale Oladipo, a assuré que sa formation se rangerait à la décision de la commission électorale. L'ACP, qui était contre tout changement du calendrier électoral, a dénoncé dans un communiqué "un recul majeur pour la démocratie nigériane", promettant d'informer les Nigérians sur sa décision "dans les prochains jours".

Des analystes ont affirmé craindre que le report ne donne lieu à des violences politiques dans le pays où en 2011, des troubles électoraux ont fait un millier de morts.

Près de 70 millions d'électeurs inscrits

Samedi à Abuja, la capitale nigériane, des manifestants hostiles à un changement de calendrier électoral ont défilé dans les rues, brandissant des pancartes où l'on pouvait lire : "Dites non au report des élections", tandis que dans un communiqué commun, plusieurs organisations de la société civile avaient invité l'Inec à "résister à la pression militaire" et à refuser un report.

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Outre la crainte de la réédition de violences, l'organisation du scrutin cette année est surtout mise à mal par les exactions de Boko Haram dans l'extrême nord-est du pays. Ces derniers mois, les islamistes armés ont mis en déroute l'armée et pris le contrôle de vastes territoires dans le nord-est, rendant impossible le vote de plusieurs centaines de milliers d'électeurs dans trois États de la région.

Beaucoup craignent que Boko Haram, dont l'insurrection et sa répression ont fait depuis 2009 plus de 13 000 morts et 1,5 million de déplacés, ne profite des rassemblements d'électeurs pour commettre de nouveaux massacres.

Pour Ryan Cummings, responsable Afrique du cabinet de consultants en sécurité Red24, il est surprenant de reporter les scrutins en raison de l'insurrection islamiste, qui ne serait pas résolue en six semaines. Actuellement, le groupe islamiste "revendique le contrôle [partiel ou total] de 20 des 27 municipalités de l'État de Borno, et de deux dans chacun des États de Yobe et de l'Adamawa [...] Déloger Boko Haram de toutes ces zones en l'espace de six semaines serait un exploit sans précédent", estime l’expert, interrogé par l’AFP.

Autre casse-tête dans l'organisation des élections au Nigeria : la distribution des cartes d'électeurs (PVC). D'après l'Inec, 68,8 millions de Nigérians (sur une population globale de 173 millions d'habitants) sont inscrits sur les listes électorales. Jusqu'à samedi, près de 46 millions de PVC (plus de 66 % du total) avaient été distribuées, a indiqué Attahiru Jega.

Avec AFP