logo

Amman tente de décrédibiliser l'EI en libérant un des inspirateurs d’Al-Qaïda

Amman a libéré, jeudi, le cheikh Abou Mohammed al-Maqdessi, considéré comme un des inspirateurs de la nébuleuse Al-Qaïda. Une sortie de prison calculée mais qui n’est pas sans risques. Explications.

Deux jours après la diffusion d’une vidéo montrant l’assassinat d’un pilote jordanien brûlé vif par l’organisation de l’État islamique (EI), la Jordanie a remis en liberté, jeudi 5 février, le cheikh Issam Barqawi, alias Abou Mohammed al-Maqdessi, l'un des plus grands prédicateurs salafistes jihadistes. Le procureur général auprès de la cour de sûreté de l'État jordanien a annoncé sa libération et décidé, en outre, la suspension des accusations de "propagation d'idées terroristes" à son encontre , selon des sources judiciaires.

Décrédibiliser l’EI avec des arguments religieux

"Maqdessi est considéré comme l’un des inspirateurs d’Al-Qaïda " , explique Wassim Nasr, journaliste à France 24 et spécialiste des mouvements jihadistes.  " Il est connu pour être un virulent opposant à l’organisation de l’État islamique. L’intérêt d’Amman est que Maqdessi décrédibilise, avec des arguments religieux, l’EI et la sentence infligée au pilote, à savoir l’immolation par le feu " , analyse Wassim Nasr.

" En le libérant, les autorités jordaniennes veulent qu’il soit audible par une certaine frange de la population réceptive aux idées de l’EI ", explique Wassim Nasr. Peu après sa libération, Maqdessi donnait une interview sous forme écrite au site internet de la chaîne qatarie Al-Jazira. Dans la foulée, il enregistrait une intervention télévisée sur la chaîne jordanienne Roya News, dans le cadre d’une émission de débat en honneur au pilote assassiné et à la gloire de l’armée du royaume hachémite, engagée au sein de la coalition internationale contre le terrorisme jihadiste.

Diffuser une idéologie " un peu moins radicale " face aux extrémistes de l’EI

Lors de cet interview télévisée, Maqdessi a répété que l’autoproclamé " califat " de l’EI est " illégitime " . Il a en outre validé la thèse officielle d’Amman, selon laquelle le pilote jordanien a été tué avant les négociations pour sa libération. Il a également affirmé avoir essayé de négocier la libération de l’otage réclamé par Amman. " Mais vu ses positions à l’égard de l’EI, il est peu probable qu’il soit le mieux placé pour ce genre de mission " , estime Wassim Nasr.

La libération de Maqdessi est pleinement en accord avec la volonté d’Amman de contrer l’EI et son idéologie. " Les Jordaniens essaient de contrer l’idéologie radicale de l’EI avec une idéologie un peu moins radicale, proche d’Al-Qaïda " , explique Wassim Nasr qui y voit " un jeu dangereux qui pourrait aller à l’encontre de l’effet souhaité " .

En détention depuis 2011 pour avoir recruté en Jordanie des combattants devant rejoindre les Taliban en Afghanistan, le cheikh Maqdessi avait déjà été brièvement libéré en 2014 après avoir critiqué Abou Bakr al-Baghdadi, " calife " autoproclamé de l’EI. Quelques jours plus tard, il retournait en prison pour avoir "propagé sur Internet les idées d'un groupe terroriste, le Front al-Nosra", branche officielle d'Al-Qaïda en Syrie. Combien de temps, cette fois, restera-t-il libre ?