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Les tueurs avaient "sans doute" des complices : le point sur l'enquête

Une semaine après avoir été abattus, les auteurs des attentats à Paris laissent de nombreuses zones d'ombre : avaient-ils des complices ? Comment ont-ils pu acheter leur arsenal militaire ? France 24 fait le point sur l'enquête.

La mort des frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly, responsables des meurtres de 17 personnes, n’a pas mis un point final à la semaine cauchemardesque qu’a connue la France. Aujourd’hui, un travail d’enquête titanesque débute pour tenter de comprendre comment les massacres perpétrés à "Charlie Hebdo" et à la supérette casher ont pu se produire, et éviter qu’un tel scénario se repète. Dans cette optique, 10 000 militaires ont été déployés, mardi 13 janvier, sur le territoire français, a annoncé le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian.

Reste désormais à avancer dans l’enquête : il faut identifier d'éventuels complices, retrouver la trace d'Hayat Boumeddiene, la compagne de Coulibaly, authentifier la vidéo du tueur de Montrouge revendiquant les attaques… France 24 fait le point.

- Coulibaly et les frères Kouachi ont-ils des complices ?

C’est ce que sous-entend le Premier ministre Manuel Valls. Lundi 12 janvier, ce dernier a affirmé que Coulibaly, l’auteur des attaques à Montrouge et à la supérette casher porte de Vincennes, avait "des complices". "Je ne veux pas en dire plus mais sur ces attaques, ces actes terroristes, barbares, le travail de la justice et des enquêteurs se poursuit. Nous considérons qu'il y a effectivement probablement d'éventuels complices", a déclaré le Premier ministre sur RMC et BFMTV.

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Mardi, la France a lancé un mandat d'arrêt contre un Français Fritz-Joly Joachin, actuellement détenu en Bulgarie depuis le 1er janvier. Les autorités le soupçonnent d'avoir été en contact avec l'un des frères Kouachi. Fritz-Joly Joachin a accepté d'être extradé vers la France. La Bulgarie doit faire part de sa décision vendredi 16 janvier.

Les enquêteurs sont également persuadés qu'une tierce personne a aidé le jihadiste Amedy Coulibaly. Une vidéo sur laquelle figure Coulibaly a été postée le 11 janvier sur Internet, soit deux jours après sa mort. Sur cette vidéo non authentifiée, Coulibaly y évoque les attentats. Qui a posté cette vidéo ?

Autre question en suspens : Coulibaly est-il impliqué dans l’attaque d’un joggeur à Fontenay-aux-Roses mercredi 7 janvier, dans la soirée. Ce jour-là, un homme est atteint de plusieurs balles. Les enquêteurs ont fait un rapprochement entre l’attentat du supermarché casher et cette agression. La même arme aurait servi lors des deux attaques. Les analyses balistiques ont, en effet, permis de faire un lien entre les cinq étuis percutés découverts à Fontenay et le pistolet automatique de modèle Tokarev retrouvé sur les lieux de la tuerie antisémite de vendredi. Mais le tireur de Fontenay-aux-Roses était-il Coulibaly ? Si oui, pourquoi aurait-il tiré sur un joggeur ? La victime, blessée, aurait confié à la police que son agresseur était de type européen, rapporte le Parisien.

Pour complexifier encore un peu les choses, les médias anglophones évoquent, eux, jusqu'à six membres d'une cellule terroriste impliquée dans les attentats, encore en liberté. Selon eux, la police rechercherait notamment un homme ayant conduit la voiture d’Hayat Boumeddiene, la compagne de Coulibaly, ces derniers jours.

Hayat Boumeddiene, elle aussi recherchée, est soupçonnée d’avoir des liens avec la compagne de Chérif Kouachi, Izzana Hamyd. Les deux femmes se seraient appelées plus de 500 fois en 2014.

Elle se serait envolée de Madrid pour Istanbul le 2 janvier et aurait séjourné à Istanbul quelques jours avant de passer en Syrie le 8 janvier, selon le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, dans un entretien avec l'agende de presse Anatolie.

L'homme avec qui elle a séjourné à Istanbul serait un citoyen français âgé de 23 ans, prénommé Mehdi Sabry Belhoucine, selon des informations des services de renseignement turcs citées par le quotidien "Yeni Safak". Le nom du jeune homme apparaît dans le dossier d'un procès en 2014 sur une filière d’acheminement de combattants à destination de la zone pakistano-afghane. La police française a délivré un avis de recherche contre lui afin de déterminer son rôle éventuel lors des attaques perpétrées par Coulibaly.

- L’entourage des tueurs islamistes

Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly étaient connus des services judiciaires. Le premier avait purgé une peine de prison pour une affaire de filière jihadiste de la France vers l'Irak. Le second est un délinquant multirécidiviste.

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Enfermés dans la même prison, les deux hommes se rapprochent de Djamel Beghal, une figure de l’islamisme radical. Le trio est inséparable et Beghal devient vite leur figure tutélaire, voire leur gourou. C’est ensemble qu’ils projettent de faire évader Smaïn Aït Ali Belkacem, un ancien du GIA algérien condamné pour sa participation à la vague d'attentats de 1995.

Aujourd’hui incarcéré à Rennes, Beghal a fait savoir, par l’intermédiaire de son avocat, qu’il n’avait aucun lien avec les attentats de "Charlie Hebdo", de Montrouge et de la Porte de Vincennes. Les enquêteurs cherchent tout de même à savoir si les frères Kouachi et Coulibaly sont entrés en contact avec lui récemment.

Ancien mentor de Chérif Kouachi, Farid Benyettou est lui aussi sorti de son silence. Il a accordé une interview à la chaîne iTélé dans laquelle il affirme n'avoir aucun lien avec ces actions terroristes, qu'il condamne. Lors de cet entretien diffusé le 12 janvier, il précise s'être rendu dès le lendemain de l'attentat contre "Charlie Hebdo" à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et avoir été entendu pendant plusieurs heures avant de ressortir librement. Des sources policières ont confirmé ces informations à la chaîne de télévision.

Farid Benyettou a été condamné en 2008 à six ans de prison dans l'affaire de la filière des Buttes Chaumont, qui envoyait des apprentis jihadistes se battre en Irak. Il a depuis été libéré et a brillamment réussi le concours d'entrée à l'école d'infirmier. Il se trouvait d'ailleurs la semaine dernière en stage à l'hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière .

- Le mystère de l'explosion d'une voiture piégée à Villejuif

Jeudi 8 janvier vers 20 h 40, un véhicule utilitaire, une Renault Kangoo, a priori stationné depuis plusieurs jours, a explosé devant une concession Renault de Villejuif, dans le Val-de-Marne, sans faire de blessés. Jusqu’alors classée comme un simple fait divers, cette explosion pourrait bien avoir un lien avec Amedy Coulibaly. C’est en tous cas ce que laisse sous-entendre le parquet antiterroriste, qui s’est saisi du dossier dimanche. Ce revirement suit la diffusion de la vidéo non authentifiée (citée ci-dessus) dans laquelle l’explosion en question est évoquée. L’homme filmé, qui pourrait être Coulibaly, revendique cette attaque.

Outre cette revendication, les enquêteurs disposent d'éléments accréditant la thèse d'un lien avec Coulibaly, a-t-on indiqué de source proche du dossier, sans plus de détails.

- La provenance des armes et le financement

Les Kouachi, comme Coulibaly, détenaient un impressionnant arsenal de guerre : Kalachnikov, lance-roquette… Selon un spécialiste, les armes retrouvées en leur possession avaient une valeur sur le marché noir de 7 000 euros pour les frères, de 6 000 pour Coulibaly. D'autres armes et du matériel militaire ont été retrouvés dans la "planque" de Coulibaly, à Gentilly (Hauts-de-Seine). Comment leur achat a-t-il été financé ?

- Y a-t-il plusieurs commanditaires ?

Al-Qaïda au Yémen (Aqpa) a affirmé avoir commandité l’attaque des frères Kouachi et choisi "Charlie Hebdo" pour cible. Dans la "fameuse" vidéo diffusée sur le Net, l'homme qui est certainement Coulibaly dit, de son côté, avoir "fait allégeance" à l'organisation de l'État islamique (EI). L'EI, en revanche, n'a revendiqué aucune attaque.

>> À lire sur France 24 : "Al-Qaïda au Yémen affirme avoir commandité l’attaque des frères Kouachi"

Chérif Kouachi s’est rendu au Yémen en 2011, a confirmé le ministère de la Justice. Des témoignages sur place font état de la présence de Saïd dans ce pays en 2009 et 2013, mais cela n'a pas été confirmé par les enquêteurs français.

Les investigations s'attacheront à déterminer le parcours exact de Coulibaly et des frères Kouachi dans les derniers mois. Et de comprendre pourquoi ces hommes, bien connus des services antiterroristes, n’étaient plus activement surveillés.

Avec AFP