Devant "l'exceptionnelle gravité" de l'attentat contre "Charlie Hebdo", la République a appelé à l'unité nationale et à une marche transpolitique, dimanche. Mais le FN a-t-il sa place dans un front commun républicain ? La question divise…
Face au traumatisme, à un "attentat d’une exceptionnelle gravité" commis contre "Charlie hebdo", le président de la République François Hollande a appelé mercredi soir à "l’unité nationale". Une seule voix politique pour une même douleur, une seule réponse pour exprimer une même colère face à la "République agressée" : l’union sacrée.
>> Attaque contre "Charlie Hebdo" : suivez en direct la situation sur notre liveblog
C’est un peu un exercice obligé après un tel choc. À l’appel du chef de l’État donc, toute la classe politique française est invitée à se dresser comme un seul homme contre le terrorisme. Est-ce seulement possible ?
À première vue, oui. Premier signe marquant de cette cohésion nationale et transpolitique, la présence de l’ancien président Nicolas Sarkozy – dont l’inimitié avec l’actuel chef de l’État n’est pas un secret – à l’Élysée. Jeudi 8 janvier, sur l’invitation de François Hollande, l’ancien président s’est rendu au palais présidentiel avant d’appeler la République "à se rassembler". L’actuel chef de l’État a prévu de recevoir l’ensemble des responsables politiques. Il doit également consulter les autres anciens présidents de la République, Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac, notamment.
Nicolas Sarkozy a affirmé qu’il appellerait l’UMP à se rendre à la marche républicaine, prévue dimanche, à 15 h, à Paris, "si les conditions sont réunies". Une grande manifestation est en effet prévue pour rendre hommage aux victimes de l’attentat, à laquelle la plupart des fédérations musulmanes ont appelé à participer. Le Parti socialiste (PS), le Parti communiste (PCF), Europe Écologie-Les Verts (EELV), le Mouvement républicain et citoyen (MRC)l’Union des démocrates et indépendants (UDI) et le Parti radical de Gauche (PRG) ont également prévu de s’y rendre.
"Ils espèrent nous diviser, ils renforcent notre unité"
Il faut dire qu'il était difficile de ne pas répondre à la requête du gouvernement. L'exécutif a appelé ses adversaires politiques à devenir leurs alliés d’un jour face à la barbarie. Une main tendue qu'a saisie François Fillon, l’ancien Premier ministre UMP. "La France est frappée par le terrorisme. Les criminels espèrent nous intimider ; non, ils renforcent notre courage ! Ils espèrent nous diviser ; ils renforcent notre unité !" "Aux criminels terroristes, opposons notre unité nationale, notre sang froid, notre détermination implacable", a-t-il déclaré.
Alain Juppé, maire de Bordeaux (UMP), a aussi appelé à "faire bloc" sur Twitter, où de nombreuses réactions étaient publiées mercredi. "Un seul devoir, nous serrer les coudes" et "faire l'union nationale", a également déclaré le centriste François Bayrou, rappelant qu'il était allé avec François Hollande témoigner au procès contre les caricatures de "Charlie Hebdo" pour y "dire que la liberté de la presse, y compris de caricature, était une des pierres angulaires des droits de l'Homme".
"Convier le FN à un rassemblement changerait tout"
Même Marine Le Pen, la présidente du Front national, est invitée vendredi au palais présidentiel. Cette dernière a indiqué qu'elle irait "exprimer devant le président de la République le constat lucide du niveau d'infiltration de l'islam radical sur notre territoire et les moyens qui doivent être mis en œuvre pour protéger nos compatriotes." Elle devrait également participer à la marche républicaine, dimanche. Une présence qui en interpelle certains. "Convier le FN à un rassemblement changerait tout : s'ils sont intégrés à l'arc républicain dans une période d'émotion nationale, de quel droit les rejeter ensuite ?", s’interroge le politologue Jérôme Sainte-Marie, à la tête de l’institut Polling Vote.
Cette intégration du parti d’extrême droite dans un "front commun" fait grincer d’autres dents. Celles du Front de gauche, évidemment, qui rejette cet "adoubement républicain" et celles du député PS Eduardo Rihan Cypel. Ce dernier s’inquiète d’un "piège" tendu par le FN et dénonce une "manipulation dans laquelle voudraient nous emmener Marine Le Pen, à savoir nous faire croire qu'ils sont un parti comme les autres, alors qu'ils ne cessent de tenir des propos qui ne sont pas comme les autres, incitent parfois à la haine, à l'ambiguïté, (ou encore des) propos de division".
Pour l’heure, le Premier ministre Manuel Valls a botté en touche sur la question. "Ce qui m'importe […] c'est l'unité nationale parce que c'est la seule réponse possible. Mais l'unité nationale, c'est aussi autour des valeurs. Des valeurs profondément républicaines, de tolérance, de refus d'amalgames", a-t-il déclaré pour toute réponse à ce début de polémique. Reste à savoir ce qu’en auraient pensé les journalistes de "Charlie Hebdo" ? Une présence frontiste dans une marche républicaine en leur hommage… À coup sûr, ils auraient pouffé, ricané... puis ils auraient caricaturé.
Avec AFP