L’ultimatum lancé aux rebelles hutus rwandais FDLR, demandant leur reddition, a expiré vendredi. Seulement 350 combattants sur les 3 000 estimés se sont rendus. Une opération armée RDC-ONU pourrait prochainement avoir lieu.
La fin de l’ultimatum lancé à l’encontre du Front de libération du Rwanda (FDLR), vendredi 2 janvier, sonne comme un semi-échec pour les organisations qui appelaient à leur reddition. Acté en mai, cet ultimatum de six mois émis par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) n’a finalement permis de désarmer et de cantonner que 350 soldats selon les comptes des Nations unies. Un maigre bilan pour une rébellion estimée entre 1 500 et 3 000 combattants.
Les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) sont un groupe armé formé dans les années 2000 pour défendre les intérêts des Hutus rwandais réfugiés en République démocratique du Congo.
Certains de ses chefs sont accusés d'avoir participé au génocide des Tutsis en 1994 au Rwanda, qui fit 800 000 morts selon l'ONU, d’avoir commis depuis des années en toute impunité de graves exactions contre les civils congolais (viols, meurtres, pillages, enrôlements d'enfants-soldats) et de se livrer à de nombreux trafics, notamment d'or et de charbon de bois.
Considérablement affaiblis, les FDLR n'ont plus lancé d'attaques d'envergure contre le Rwanda depuis les années 2000, mais Kigali les considère toujours comme une menace stratégique pour sa sécurité.
Un ultimatum pour rien ?
Même s’ils ont officiellement déposé les armes depuis un an, les FDLR sont régulièrement accusés de poursuivre leurs activités de trafic d’or et de charbon en vue de repartir au combat.
"Même si le désarmement était une bonne chose, il aurait fallu prendre des dispositions supplémentaires pour qu’on puisse être sûrs que les FDLR ne puissent pas se réorganiser, regrette Omar Kavota, vice-président de la société civile du Nord-Kivu, contacté par France 24. Il y a juste eu un ultimatum, et pendant ce temps, on a laissé faire les mouvements des FDLR sans véritable contrôle."
Dans un rapport, l’ONG américaine Enough Project dresse le même constat et affirme que les FDLR ont pu se régénérer en "achetant des munitions et des armes à des officiers congolais". Celle-ci n’hésite pas à engager la "crédibilité" de la Monusco pour "en finir avec la menace FDLR" après le 2 janvier.
Kigali veut frapper
Car de son côté, la Mission des Nations unies au Nord-Kivu (Monusco) a toujours appelé à un désarmement et à un cantonnement des FDLR plutôt qu’à une attaque frontale. Mais du côté du Rwanda, la simple reddition n’est plus une option.
À Kigali, le porte-parole de l’armée rwandaise, Joseph Nzabamwita, a confirmé sur son compte Twitter qu’il espérait une attaque prochaine contre les FDLR, sans aucune négociation supplémentaire.
Les FDLR - eux - demandent toujours et en vain de pouvoir participer à la vie politique rwandaise en créant notamment un parti. "Nous n’avons aucun signe de Kigali pour ouvrir un espace politique et rentrer chez nous", a affirmé le porte-parole des FDLR, La Forge Fils Bazeye, sur RFI.
Ainsi, les négociations font du sur place. Le conseil de sécurité de l’ONU, les États-Unis en tête, ont également pris position dans le sens du Rwanda : les FDLR, en tant que groupe armé composé d’anciens génocidaires, doivent désarmer et rentrer chez eux sans contrepartie, ni garanties en terme de droits politiques, voire même choisir la route de l'exil.
"On craint les dégâts collatéraux sur les civils"
Que va-t-il se passer à présent ? Une opération militaire conjointe entre la Monusco et l’armée congolaise pourrait être actée mi-janvier lors du prochain sommet de la CIRGL et de la SADC. Une option à laquelle se préparent les civils.
"La population veut qu’on en finisse une bonne fois pour toutes avec les FDLR, poursuit Omar Kavota, mais il n’y a jamais d’opérations sans dégâts collatéraux, d’autant plus que beaucoup de FDLR sont dissimulés au milieu des civils dans de nombreux villages", explique-t-il, craignant de nouvelles opérations désastreuses pour les civils dans une région déjà meurtrie par les conflits armés.
Selon les décomptes de la société civile du Nord-Kivu, les attaques de groupes armés, dont celles des FDLR, auraient fait au minimum 1 100 morts dans la région en 2014.