Vladimir Poutine doit s’exprimer, jeudi, devant des centaines de journalistes russes et étrangers. Pour cette conférence de presse annuelle, le président est particulièrement attendu sur la crise monétaire qui frappe durement la Russie.
Vladimir Poutine s’apprête à monter en première ligne, jeudi 18 décembre, face à des centaines de journalistes russes et étrangers, pour expliquer sa stratégie face à la crise monétaire que traverse actuellement la Russie. Habitué à endosser les habits de l’homme fort, chassant le tigre ou plongeant à la recherche de trésors, le résident du Kremlin risque de se retrouver nu face aux critiques sur sa stratégie économique.
La monnaie russe a perdu la moitié de sa valeur depuis début 2014 et le krach du rouble du début de semaine a déjà commencé à se répercuter sur les prix. L'inflation galopante du rouble risque d’intensifier la crise économique latente que traverse ce pays déjà durement touché par la baisse des cours du pétrole. Pour les observateurs de la Russie, l’homme qui a maté la Tchétchénie, repoussé les frontières de son territoire et rendu sa fierté à un peuple humilié par la chute de l'URSS fait désormais face à son plus grand défi en quinze ans de pouvoir.
>> À lire sur France 24 : "Face à la plongée du rouble, les Russes s’adaptent"
Comme président ou comme Premier ministre, l'ancien espion avait pris l'habitude d'avoir toujours un coup d'avance sur les événements, sur ces rivaux. Cette capacité lui a permis des coups de poker astucieux. Comme lorsqu'il a pris de court Ukrainiens et Occidentaux en annexant la péninsule de Crimée, en mars 2013.
Mais le 8e dan de judo, qui n'aime rien tant que s'appuyer sur les faiblesses de ses adversaires pour les déséquilibrer, est cette fois pris de vitesse. La crise monétaire déclenchée par les sanctions occidentales contre Moscou, décuplée par les réflexes de défiance des ménages et du marché, fragilise la Russie.
Avec un président russe qui a, au fil des années, fini par incarner à lui tout seul la Russie, les observateurs s'interrogent : une Russie fragilisée signifie-t-elle un Poutine fragilisé ?
Absence de stratégie du Kremlin
"Il ne peut pas faire grand chose", estime Alexandre Konovalov, président de l'Institut des estimations stratégiques. "Épuiser" les centaines de milliards de dollars accumulés depuis le début des années 2000 ? "Cela ne suffira pas pour tenir longtemps", souligne l'expert. "La société commence à comprendre que le Kremlin n'a pas de stratégie et qu'il n'est pas en mesure de gérer" la crise, assène M. Konovalov.
L'économie n'a jamais été la spécialité du président russe. Très prolixe quand il s'agit d'évoquer l'histoire de la Russie au Xe siècle ou les grandes batailles de la Seconde Guerre mondiale, il n'a pas de chapelle économique. Capitalisme d'État ou libéralisme, interventionnisme ou confiance laissée aux marchés, le chef de l'État a souvent louvoyé, déstabilisant parfois les investisseurs pour lesquels il déploie le tapis rouge.
Conscient que sa marge de manœuvre est mince, il fait le dos rond. Il ne s'est pas exprimé publiquement, laissant à son Premier ministre, Dmitri Medvedev, le soin de rappeler que le rouble était "sous-évalué" et que le pays avait les ressources suffisantes pour faire face.
>> À lire sur France 24 : "Moscou passe par la Chine pour contourner les sanctions occidentales"
Une intervention du chef du Kremlin sur le sujet qui occupe tous les esprits est inévitable lors de la grande conférence de presse. Lors de cette intervention, "il est très possible qu'il corrige publiquement" des responsables gouvernementaux pour leur gestion de la crise, estime Nikolaï Petrov, politologue à la très respectée Haute École d'économie à Moscou. Sur le plus long terme, "le gouvernement et la banque centrale doivent tenir le coup jusqu'à la fin de l'année". "Après le Nouvel An, la situation du rouble va se calmer. Mais une flambée de l'inflation est inévitable et la question est de savoir comment le gouvernement cherchera à réguler l'inflation", pronostique M. Petrov.
Le président a-t-il d'autres solutions ? "Essayer de faire lever au moins une partie des sanctions occidentales, dialoguer avec nos rivaux en Occident", répond l'expert Alexeï Makarkine. Mais pour cela, Poutine devrait donner à Kiev et aux Occidentaux des gages de désengagement dans le dossier ukrainien. Autrement dit reconnaître sa défaite.
Accuser les Occidentaux de tous les maux ? Le chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov, en résumait les grandes lignes en affirmant récemment avoir de "sérieuses raisons" de penser que les sanctions des Européens et des Américains contre la Russie visaient avant tout à provoquer un changement de régime, autrement dit à faire tomber Vladimir Poutine.
Avec AFP