La mort de Ziad Abou Eïn à la suite de heurts avec des soldats israéliens pourrait compromettre la coopération entre l'Autorité palestinienne et l’État hébreu en matière de sécurité en Cisjordanie. Retour sur les enjeux d’un accord très décrié.
Au lendemain des funérailles de l’ancien vice-ministre palestinien et vétéran de la lutte palestinienne Ziad Abou Eïn, l'armée israélienne a déployé, vendredi 12 décembre, en Cisjordanie deux bataillons de soldats et deux compagnies de garde-frontières supplémentaires en prévision d'une éventuelle poussée de fièvre en ce jour de prière hebdomadaire pour les musulmans, souvent suivie de manifestations.
En début de journée, un Palestinien a attaqué à l'acide un groupe de civils israéliens, y compris des enfants, à un check-point près de Bethléem et d'un important bloc de colonies, a indiqué l'armée israélienne avant de préciser que l'assaillant avait été "neutralisé".
Sur le plan politique, la mort de Ziad Abou Eïn a toutefois immédiatement soulevé la question capitale de la poursuite de la coopération entre l'Autorité palestinienne et Israël en matière de sécurité en Cisjordanie. "Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a indiqué que toutes les options étaient sur la table, sans pour autant préciser ce qu’elles étaient", rapporte Gallagher Fenwick, correspondant de France 24 en Israël.
itUn arrêt de la coopération pourrait en tous cas être lourd de conséquences. Cette collaboration passe pour avoir permis de déjouer de nombreux attentats contre Israël, mais aussi des projets contre l'Autorité palestinienne. "Concrètement, ces accords permettent des rencontres à très haut niveau entre officiels palestiniens et leurs homologues israéliens, qui échangent des informations et qui, peut-être, facilitent certaines opérations israéliennes dans les territoires normalement exclusivement contrôlés par les forces sécuritaires palestiniennes", précise Gallagher Fenwick.
Un accord très impopulaire
Intense, secrète, cette coopération demeure toutefois très contestée. "C’est probablement l’un des accords les plus impopulaires auprès de la rue palestinienne", commente le correspondant de France 24. "Cette collaboration est très très souvent décriée par la population et les partis au pouvoir à Gaza (le Hamas et le Jihad islamique)."
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Pour de nombreux Palestiniens, l’accord avilit leurs dirigeants qui se laissent exploiter par ceux-là mêmes qui les occupent, les Israéliens. Pour ne pas la menacer, l’État hébreu accepte d'observer la plus grande discrétion sur le rôle joué par les Palestiniens qui s'exposent à l'accusation d'être des "collaborateurs".
Sans cette coopération, Israël éprouverait beaucoup plus de mal à glaner le renseignement nécessaire pour empêcher des attentats en Cisjordanie contre les soldats ou les colons, mais aussi à Jérusalem-Est, partie palestinienne de la ville occupée et annexée, et sur le territoire israélien.
Selon les responsables israéliens, les dirigeants palestiniens trouveraient aussi leur intérêt dans cette affaire puisqu’elle aurait fait échouer cette année des tentatives de déstabilisation de l'Autorité palestinienne par le Hamas.
Inscrit dans les accords d'Oslo
Instaurée par les accords d'Oslo conclus en 1993 entre Israël et l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) à l'époque dirigée par Yasser Arafat, cette coopération a été interrompue au moment de la deuxième Intifada en 2000. Elle a repris graduellement sous la direction de Mahmoud Abbas, qui avance vouloir faire le choix de la négociation de préférence à la lutte armée.
Aussi la déclaration que l'Autorité palestinienne doit faire ce vendredi pourrait être l’occasion de faire valoir d’autres requêtes. "Elle pourrait avancer dans ses démarches auprès de l’ONU afin d’obtenir un calendrier mettant fin à l’occupation israélienne en Cisjordanie et débouchant sur la reconnaissance d’un État palestinien", indique Gallagher Fenwick. "Ou encore d’avancer sur le dossier Cour pénale internationale, dont les Palestiniens veulent faire partie de façon à pouvoir intenter des procès à Israël pour crimes de guerre."
Avec AFP