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Un rapport d'enquête réalisé par une ONG de protection animale dénonce le développement sur Internet du commerce des espèces sauvages protégées et menacées d’extinction. La France fait partie des mauvais élèves.
Internet est devenu le moyen le plus pratique pour se procurer une panthère, un oiseau rare ou, plus simplement, un bijou en ivoire véritable. L’essor de ce commerce d’animaux en voie d’extinction ou protégés sur le Web passe largement inaperçu, écrasé médiatiquement par les affaires de trafic de drogue 2.0 et autres cas de cybercriminalité.
Pourtant, c’est un secteur en plein boom, comme le démontre le rapport “Recherché, mort ou vif : le commerce en ligne d’animaux”, publié mercredi 26 novembre par l’ONG International Fund for Animal Welfare (IFAW). Certes, le commerce de la faune sauvage peut être légal, mais en traquant des annonces litigieuses (voir encadré) pendant seulement six semaines, uniquement sur des sites qui ont pignon sur web, l’IFAW a recensé 33 006 articles mis en vente pour une valeur de plus de 10 millions de dollars (7 millions d’euros). “Nous savons qu’il ne s’agit que de la partie émergée de l’iceberg et pourtant cela équivaut déjà à 10 % du trafic illicite mondial d’animaux sauvages”, précise Céline Sissler-Bienvenu, directrice France et Afrique francophone de l’IFAW.
Une panthère pour 17 000 euros
Elle juge qu’Internet est en train de devenir le domicile naturel pour ce type de commerce. “C’est un supermarché transnational ouvert sans interruption sur lequel les sites marchands n’ont pas la volonté ou pas la connaissance suffisante des règles pour faire le ménage entre les annonces légales et les autres”, explique-t-elle. Sans compter que sur la Toile, remonter la piste d’un vendeur anonyme n’est pas une mince affaire.
Résultat des courses : il est possible d’acheter une panthère d’un an et demi sur un site émirati pour l’équivalent de 17 000 euros, deux perroquets Ara pour 1 000 euros à un cybermarchand allemand ou une petite tortue appartenant à une espèce menacée d’extinction pour 213 euros en Pologne. La vente d’animaux sauvages vivants protégés représente plus de la moitié des annonces recensées par l’IFAW. “Le commerce surfe clairement sur la mode actuelle des NAC (nouveaux animaux de compagnie)”, résume Céline Sissler-Bienvenu. Les reptiles - serpents, tortues - ont le vent en poupe (26 % des annonces).
Pour le reste, c’est-à-dire les parties du corps des animaux ou les produits dérivés, l’ivoire est particulièrement couru. Les bijoux ou les sculptures en ivoire véritable représentent 32 % des annonces litigieuses citées par le rapport. Ce commerce précis est révélateur de la complexité de traquer les ventes illégales : “Les bijoux proposés sont parfois des objets de famille et ceux qui les mettent en vente ne savent pas que l’ivoire est très réglementée, sans compter que d’autres disposent bien des documents légaux nécessaires mais ne se donnent pas la peine de le signifier dans leurs annonces”, raconte Céline Sissler-Bienvenu. On trouve aussi fréquemment des défenses d’éléphant ou encore des cornes de rhinocéros.
Le “mauvais élève” français
Les vendeurs passent le plus souvent par des sites chinois qui drainent plus de la moitié de toutes les annonces repérées par l’IFAW. L’ex-empire du Milieu vend de tout, mais a ses propres spécialités comme les ailerons de requins et les tigres. La Russie et l’Ukraine sont également très représentés dans le commerce d’animaux sauvages en danger.
Et puis, il y a la France. “Nous sommes parmi les mauvais élèves”, reconnaît Céline Sissler-Bienvenu. L’Hexagone arrive en quatrième position dans le classement de l’IFAW avec près de 1 200 annonces pour une valeur marchande totale de 1,1 million d’euros. Outre l’ivoire, une valeur toujours sûre, les sites français proposent essentiellement des reptiles et des perroquets rares. “Mais nous avons également trouvé des internautes qui vendaient des parties de loup et des félins tâchetés”, précise Céline Sissler-Bienvenu.
Sur une vingtaine de sites passée à la loupe, deux se dégagent particulièrement : Le Bon Coin et Naturabuy, une sorte d’eBay pour amoureux de la chasse et de la pêche. “Nous avons contacté tous les sites pour les sensibiliser à ce problème et leur proposer notre expertise pour mieux filtrer les annonces, mais à part Naturabuy, aucun n’a répondu”, regrette Céline Sissler-Bienvenu. Elle rappelle, pourtant, que la coopération entre l’IFAW et eBay a permis de réduire drastiquement la vente d’animaux sauvages sur le célèbre site qui commençait, il y a quelques années, à crouler sous ce genre d’annonces souvent illégales.
Contacté par France 24, “Le Bon Coin”, leader en France des sites de vente de particulier à particulier, a affirmé prendre le problème très au sérieux. “La catégorie animaux est soumise à une veille accrue des annonces en temps réel”, nous explique-t-on. “Le Bon Coin” précise également que ses équipes sont entrées “en contact avec l'IFAW afin de collaborer et d'améliorer le service”.
À voir si cela donne des résultats. L’IFAW suit l’évolution de la vente en ligne depuis 10 ans et alerte régulièrement sur le phénomène sans pouvoir freiner le développement de ce commerce. Et comme le souligne Céline Sissler-Bienvenu, c’est un cercle vicieux : plus Internet devient populaire pour ce genre de commerce, plus la pression se fera grande sur les braconneurs pour alimenter ce marché.
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Un peu de méthodologie
L’IFAW ne s’est intéressée, dans son rapport, qu’aux animaux dont le commerce est strictement interdit ou très encadré. Le commerce de ces espèces, particulièrement menacées, est régi par les règles de la convention de Washington de 1973. “Un texte qui, à l’heure d’Internet, est difficile à faire respecter en ligne”, assure Céline Sissler-Bienvenu.
Et puis il y a les fausses annonces, qui sont davantage du domaine de l’arnaque que du commerce illégal. L’animal mis en vente n’existe pas et le vendeur disparaît aussitôt l’argent encaissé. Ce qui complique davantage le travail des ONG de protection de la faune sauvage.