
Contrairement à ce qui a été annoncé par Washington, la Turquie affirme qu'elle n'a pas donné son feu vert aux Américains pour utiliser ses bases aériennes afin de lutter contre les jihadistes de l'organisation de l'État islamique.
Frustrés par les hésitations d'Ankara, qui tarde à s’impliquer significativement dans le combat contre l'organisation de l'État islamique (EI), Washington pensait avoir obtenu gain de cause sur un point précis. Mauvaise nouvelle pour les Américains, une source gouvernementale turque a annoncé à l'AFP, lundi 13 octobre, qu'il n'existait aucun "nouvel accord" avec Washington, autorisant l'accès de ses installations aux avions de la coalition anti-EI.
it
Pourtant, dimanche 12 octobre, la conseillère à la sécurité nationale de la Maison blanche avait annoncé que la Turquie avait décidé d'autoriser les États-Unis à utiliser ses bases aériennes, en particulier sa grande base d'Incirlik, dans le sud du pays, pour lutter contre l’EI. "Ils ont dit que leurs installations en Turquie pourraient être utilisées par les forces de la coalition, américaines ou autres, pour mener des opérations en Irak et en Syrie", avait précisé Susan Rice sur NBC. "C'est un nouvel engagement, et c'est un engagement que nous apprécions beaucoup" avait-elle ajouté.
Forte pression internationale
Toujours est-il que "les détails de l'utilisation (des bases turques, NDLR) sont toujours en cours d'élaboration", a néanmoins confié à l’AFP un responsable américain de la Défense, sous le couvert de l'anonymat.
Jusqu’à présent, les avions américains employés pour les bombardements contre l'EI décollent des bases d'Ali al-Salem au Koweït, d'Al-Dhafra aux Émirats arabes unis, et d'Al-Udeïd au Qatar. L'armée de l'air américaine utilise depuis longtemps la base d'Incirlik et environ 1 500 de ses hommes y sont stationnés.
Mais Ankara subit une forte pression internationale pour s'impliquer dans la défense de Kobané, une ville kurde de Syrie située à la frontière turque et qui est sur le point de tomber totalement aux mains des jihadistes de l'EI. Le Parlement turc a d'ailleurs autorisé, le 2 octobre, le gouvernement à mener des actions militaires contre l'EI en Irak et en Syrie, mais à ce jour, l'armée turque n'a rien entrepris en ce sens.
Les Kurdes de Turquie mécontents
Même si la Turquie a déployé d'importants renforts militaires, notamment des blindés et des pièces d'artillerie, le long de sa frontière face à Kobané, elle refuse pour l'heure d'intervenir militairement aux côtés de la coalition, au motif qu'une telle opération renforcerait par ricochet le président syrien Bachar al-Assad, sa bête noire.
Les Kurdes ont récemment dénoncé la passivité turque face à la situation à Kobané et des émeutes pro-kurdes ont fait plus de 30 morts en Turquie. Le chef du principal parti politique kurde de Syrie a pressé Ankara, en vain, de laisser passer des armes et des combattants pour aller défendre Kobané, devenue le symbole de la lutte contre l'EI. "Ce serait très bien qu'elle ouvre le plus vite possible sa frontière au passage d'armes", a déclaré Salih Muslim, président du Parti de l'union démocratique (PYD).
>> À lire sur France 24 : Pourquoi la ville de Kobané est stratégique pour les Kurdes et l'EI
Vendredi, Staffan de Mistura, émissaire de l'ONU en Syrie, a appelé Ankara à laisser des "volontaires" se rendre à Kobané pour prêter main forte aux combattants kurdes.
De son côté, un des chefs des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a annoncé que l'organisation avait commencé à renvoyer en Turquie des combattants basés dans le nord de l'Irak, à cause de la bataille de Kobané et des émeutes pro-kurdes, qui menacent le processus de paix avec Ankara.
Kobané devrait être au centre d'une réunion, mardi à Washington, des chefs militaires de 21 pays de la coalition anti-EI, près de trois mois après le déclenchement de la campagne aérienne en Irak et près de trois semaines après le début des raids sur la Syrie.
Avec AFP et Reuters