
Jusqu’où ira Aécio Neves, l'économiste de 54 ans qui s’est hissé au second tour de la présidentielle brésilienne ? Les sondages le donnent au coude-à-coude avec la présidente Dilma Rousseff. Est-il en mesure de l’emporter ? Éléments de réponses.
En l’espace de quelques jours, Aécio Neves est passé du statut d’outsider à celui de favori à l’élection présidentielle au Brésil. Crédité de 34 % des voix, l’économiste de 54 ans a créé la surprise en passant le premier tour du scrutin, dimanche 5 octobre, avec la présidente sortante Dilma Rousseff (41,6 %). Depuis, ce social-démocrate surfe sur une belle dynamique : deux sondages publiés, jeudi 10 octobre, l’ont crédité d'une légère avance (+2 points) sur sa rivale, en vue du second tour du 26 octobre.
Dans ce scrutin indécis, celui qui se présente comme "le candidat du changement" veut croire en la victoire. Cet ancien gouverneur de l'État de Minas Gerais (2003-2010), qui jouit d’une grande popularité dans son fief électoral mais reste peu connu sur le plan national, va tenter de séduire le vaste électorat populaire brésilien. Il va notamment s’employer à construire sa notoriété en rappelant aux électeurs son histoire familiale étroitement liée à l’entrée du pays dans l'ère de la démocratie.
Petit-fils de l'ancien président Tancredo Neves
Celui que les Brésiliens appellent désormais "Aécio" n’est autre que le petit-fils de l’ancien président Tancredo Neves, élu en 1985 au sortir de la dictature militaire à laquelle il s'était opposé, mais décédé avant sa prise de fonction. Son aïeul est resté une figure respectée, sur laquelle il s’est s’appuyée au moment de son entrée en politique. Alors âgé de 20 ans, il a notamment fait campagne à ses côtés alors qu’il briguait le poste de gouverneur de l’État de Minas Gerais, en 1981.
Malgré ce soutien, Aécio Neves a dû attendre 2003 pour accéder au poste de gouverneur de ce deuxième État le plus peuplé du pays. Durant ses sept années au pouvoir, il a réduit les dépenses publiques, amélioré le niveau d’éducation et celui de santé. Et surtout, Minas Gerais est devenu un des États les plus attractifs sur le plan économique.
Restaurer la confiance des investisseurs
Ce bilan engageant lui permet de faire figure de candidat idéal face Dilma Rousseff, fragilisée par les difficultés économiques du pays. En quatre ans, le Brésil a dû faire face à une croissance en berne jusqu'à l'entrée en récession au premier semestre, une poussée de l'inflation (6,5 %) et une dégradation des comptes publics. Soutenu par les milieux d'affaires, Aécio Neves a axé toute sa campagne sur les erreurs de gestion et l'interventionnisme de la présidente. Ce libéral mâtiné d'une légère fibre sociale, qui s’est positionné comme l’héritier de la gestion rigoureuse de l’ancien président Fernando Cardoso (1995-2003), a promis de "restaurer la confiance des investisseurs", de ramener l'inflation dans les clous et de garantir l'autonomie opérationnelle de la Banque centrale.
Le sénateur de centre-droit a aussi tiré profit du scandale des pots-de-vin versés par le géant pétrolier public Petrobras à des parlementaires de la coalition au pouvoir, qui a opportunément éclaté en pleine campagne électorale. L'ancien directeur de Petrobras Paulo Alberto Costa a assuré aux enquêteurs que les ressources de la compagnie avaient en partie servi à financer la campagne électorale du Parti des Travailleurs de Dilma Rousseff et de ses principaux alliés aux élections de 2010, à en croire les médias nationaux qui soutiennent le candidat du PSDB.
Soirées mondaines
Pour contrer sa montée en puissance, le camp Rousseff a riposté en ressortant des dossiers sur des scandales de corruption qui ont visé Aécio Neves dans les années 1990, notamment au sujet de la construction d’un aéroport dans son bastion. Des allégations que le candidat balaie de la main, affirmant avoir été blanchi par une autre enquête.
S'il séduit de plus en plus au Brésil, Aécio Neves fait face à une classe moyenne, désormais majoritaire, fidèle à Dilma Rousseff. Ses slogans sur le "management shock" et "les rendements" pourraient faire peur à cette partie de la population qui a bénéficié des politiques sociales depuis douze ans.
D'autant qu'il véhicule l'image d'un homme people fréquentant assidûment le quartier quartier balnéaire ultra-chic de Leblon à Rio de Janeiro. Depuis qu'il s'est remarié en 2013 avec la blonde et élancée Leticia Weber, 34 ans, un ancien mannequin avec qui il a eu des jumeaux en juin, il apparaît dans la rubrique mondaine des revues en papier glacé. Et puise ses soutiens du côté des célébrités, comme l'ancien footballeur vedette Ronaldo.
Son meilleur atout : Marina Silva
Son meilleur atout dans cette bataille reste la populaire Marina Silva, qui s'oppose clairement à Dilma Rousseff. Le candidat du Parti social-démocrate brésilien (PSDB) profite du report des voix de la grande perdante du premier tour, qui devrait prochainement lui officialiser son soutien en échange de quelques points phares de son programme (porter le mandat de quatre à cinq ans, engagement effectif pour stopper à terme la déforestation de l'Amazonie, etc).
Pressentie pour s’imposer au second tour, elle s'était inclinée dès le premier tour suite à la campagne particulièrement agressive menée par le parti au pouvoir. Reste à voir si la présidente sortante se montrera aussi agressive avec son rival.