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Menaces contre la France : "L'EI a décidé d’exporter le conflit en Occident"

La France est désormais directement dans le viseur des jihadistes de l’organisation de l’État islamique qui ont appelé, lundi, les musulmans à tuer des Français et des Occidentaux, "partout et n’importe comment". Décryptage.

L’organisation de l’État islamique (EI) a déclaré la guerre à la France et à l’Occident. Abou Mohammed al-Adnani, le porte-parole de ce groupe jihadiste qui sévit en Syrie et en Irak, a appelé dans un message audio les musulmans à tuer partout et "de n'importe quelle manière des infidèles ", des Français, des Américains, des Australiens et des Canadiens. Soit des ressortissants des principaux pays de la coalition internationale contre l’EI. Cet appel intervient quelques jours après les premiers raids aériens menés par la France contre des cibles de cette organisation ultra-radicale dans le nord de l'Irak .

Fustigeant cet "appel au meurtre", le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a réagi aux menaces proférées par l’EI, lors d'une brève conférence de presse place Beauvau lundi 22 septembre, en affirmant que "la France n'a pas peur". "Même si le risque zéro n'existe pas, nous prenons aujourd'hui 100 % de précautions", a-t-il indiqué.

Wassim Nasr, journaliste à France 24 et spécialiste des mouvements jihadistes, décrypte l’ampleur et la portée de cette menace.

La France a été désignée comme une cible prioritaire par l’EI. Pourquoi ?

Wassim Nasr : La France est clairement devenue une cible privilégiée des jihadistes de l’EI en réponse directe aux raids aériens de l’armée française qui ont visé un site de l’EI en Irak. Pour les jihadistes, ces bombardements ont changé la donne et la France est considérée, de la même manière que les États-Unis, comme l’ennemi mortel des jihadistes.

Il s’agit d’un changement de stratégie radical, car jusqu’ici, l’EI se contentait d’appeler ses sympathisants occidentaux à venir rejoindre ses rangs en Syrie et en Irak. Or dans ce message audio, l’EI les appelle pour la première fois à passer à l’action en Occident. Ainsi, les Français et plus généralement les Occidentaux de confession musulmane sont priés de défendre l’État islamique chez eux, à domicile, en assassinant par tout moyen des civils ou des militaires non musulmans. C’est une évolution importante de leur méthode et c’est surtout une menace sérieuse pour la France car n’importe qui, aujourd’hui, pourra suivre cette consigne et agir n’importe où au nom de l’EI.

Comment faut-il interpréter un tel message ? Quel est le but de l’EI ?

L’idée principale, derrière ce message, c’est que les jihadistes veulent faire savoir que la guerre ne va pas se limiter à la Syrie et à l’Irak, comme l’ont décrété les puissances occidentales. Ils veulent définir eux-mêmes le théâtre de cette confrontation avec les Occidentaux. En envoyant un tel message, qui consiste finalement à dire "nous avons décidé d’exporter le conflit chez vous", ils indiquent qu’il s’agit désormais d’une guerre transfrontalière. Le but est de créer un sentiment de psychose et de suspicion au sein des sociétés occidentales dans le but d’y créer des troubles et d’alimenter un climat de terreur suffisant afin que les opinions publiques se retournent contre leurs gouvernements.

Comment les services de renseignements peuvent-ils faire face à une telle menace ?

Il s’agit d’un travail difficile puisque par définition il est question d’une menace diffuse et dématérialisée qui s’adresse à qui veut l’entendre, sans qu’aucune cible précise ne soit désignée. Ce qui fait qu’à l’échelle de la France, Paris n’est pas la seule ville à être sous la menace, comme lorsque le danger était incarné par Al-Qaïda, qui misait sur des attentats qu’elle voulait spectaculaires. En effet, l’EI appelle à frapper partout où il est possible de le faire, à chaque coin de rue, et avec les moyens à disposition.

En outre, les individus les plus dangereux, susceptibles d’agir en loups solitaires, ne sont pas ceux qui sont actuellement présents en Syrie et en Irak, et qui cherchent à y rester pour y mourir en martyr. Ceux-là sont presque tous déjà pistés et identifiés par les services occidentaux. Non, les plus dangereux sont ceux qui n’ont pas encore franchi le pas et qui par définition sont très difficiles à surveiller puisqu’ils ne sont pas connus par les renseignements.