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Le patronat français a élaboré des propositions chocs pour améliorer la compétitivité des entreprises, d’après “Les Échos”. Le Medef juge ces mesures nécessaires pour créer un million d’emplois. Un objectif moins ambitieux qu’il n’y paraît.

C’est l’annonce choc du jour. Le Medef dispose d’un plan de bataille très détaillé pour créer environ un million d’emplois en cinq ans en France, a appris le quotidien économique “Les Échos” lundi 15 septembre. Cette feuille de route, dont la présentation officielle par l’organisation patronale a été reportée d'une semaine compte tenu de l'actualité internationale, est aussi un cahier de doléances. Le Medef réclame toute une série d’aménagements du code du travail pour améliorer la compétitivité des entreprises, afin de lutter efficacement contre le chômage.

Pour atteindre cet objectif du million d’emplois, il faudrait, selon le Medef, enlever la barrière du Smic pour certaines professions, permettre le travail du soir et le dimanche ou encore supprimer jusqu’à deux jours fériés. Des réformes pour une plus grande libéralisation du marché de travail que la CFDT n’a pas manqué de qualifier de “provocations”. Reste que sur certains points, comme le travail le week-end, le gouvernement semble aller dans le sens des souhaits de Pierre Gattaz.

L’organisation patronale reconnaît, dans son document de travail, que ces propositions “apparaîtront agressives ou caricaturales à certains”. Mais pour elle, il s’agit “d’animer le débat” afin de tout faire pour lutter contre le chômage.

Peu d’impact sur le chômage ?

Après tout, le Medef promet de créer un million d’emplois en échange. Une perspective alléchante en ces temps de disette de travail, non ? Pas si sûr. Un million d’emplois en cinq ans ne changeront pas fondamentalement la donne du chômage. Déjà en octobre 2013, peu après que Pierre Gattaz eut pour la première fois évoqué cet objectif, Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, avait souligné que c’était un chiffre modeste. “Cela ne ferait baisser le chômage qu'à un peu plus de 9 %, ce qui n'est pas grand-chose par rapport au niveau actuel", avait-il indiqué.

Surtout, le Medef reste flou sur ce que représente ce vivier d’emplois nouveaux. “En temps normal, la France crée environ 200 000 postes nouveaux par an, ce qui équivaut à un million en cinq ans”, rappelle Éric Heyer, directeur adjoint au Département analyse et prévision de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques). Pour cet économiste, la promesse du patronat n’est vraiment intéressante que s’il s’agit d’un bonus par rapport à la norme.

Mais pour Pierre Gattaz et son syndicat, ce rythme “normal” de création d’emplois n’existe plus dans l'Hexagone. “Il y a, en effet, un courant de pensée qui estime que la crise a détruit tout le potentiel de croissance de la France et qu’il faut d’importantes réformes structurelles de fond, comme celles proposées par le Medef, pour faire baisser le chômage”, explique Éric Heyer.

La faute à la crise, vraiment ?

Cet économiste récuse, quant à lui, cette vision d’une France au modèle social rendu archaïque par la crise. Pour lui, la panne économique française tient davantage à des facteurs conjoncturels que structurels. “Ceux qui appellent à la fin des 35 heures et à réformer le code du travail ont la mémoire un peu courte car en 2010 et 2011, en pleine crise économique mondiale, la France avait un taux de croissance de, respectivement, 1,9 % et 2,1 % et n’était pas handicapée par les dispositions critiquées, aujourd’hui, par le Medef”, rappelle Éric Heyer.

La seule chose qui, d’après lui, a changé depuis lors est la conversion de tous les pays européens à une politique d’austérité tous azimuts, accompagnée d’une libéralisation du marché du travail. Le modèle social français apparaîtrait dès lors de plus en plus en décalage et inadapté à cette nouvelle réalité.

Il y a alors deux moyens d’y remédier : adopter les remèdes du patronat français pour suivre le mouvement et parier sur un million d’emplois nouveaux plus ou moins bien rémunérés ou alors “mettre en place une politique européenne commune qui permettrait de desserrer quelque peu les cordons de la bourse des dépenses publiques”, note Éric Heyer. Mais là, la route n’en est pas moins truffée d’embûches car il suppose que tous les pays européens, Allemagne en tête, changent de cap économique.