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Après la Syrie et l'Irak, c'est désormais au tour du Liban d'être confronté aux jihadistes de l'organisation de l'État islamique. Il y a un mois, l'armée libanaise a repoussé une attaque dans l'est du pays. De quoi inquiéter sa population.

Dans le quartier de la Mina, où se concentre la petite minorité chrétienne de Tripoli, la capitale du nord du Liban, la cohabitation avec la majorité sunnite est d’ordinaire sans histoire. Mais depuis quelques jours, l'armée s'est largement déployée dans le secteur en raison de tensions confessionnelles. Des slogans favorables à l’organisation de l’État islamique (EI), ont en effet été tagués sur les murs de plusieurs églises de la cité portuaire.

"Ils avaient écrit 'l'État islamique arrive pour égorger les adorateurs de la croix', confie à FRANCE 24, le prête de l'église orthodoxe Saint-Élias, le père Basilios, qui officie dans quatre églises dans la Mina. On s'attend à une probable dégradation de la situation."

L'école confessionnelle attenante ainsi qu'une autre église ont elles aussi été taguées. Ces attaques interviennent après la diffusion sur les réseaux sociaux de la photo d'un jeune homme incendiant le drapeau de l'organisation de l'État islamique dans un bastion chrétien de Beyrouth.

"Qu'ils fassent ce qu'ils veulent ! S'ils nous égorgent nous deviendrons des martyrs de notre seigneur Jésus qui s'est sacrifié pour nous, déclare Anastasia Antoun, une habitante chrétienne de la Mina. Si on doit mourir à notre tour, tant pis : ce qui doit arriver arrivera !"

Du côté des montagnes du Chouf (sud-est de Beyrouth), fief historique de la minorité druze, une branche du chiisme qui croit en la réincarnation, la défiance à l’égard de l’EI est de mise. Quand on demande à la population quelle serait leur réaction en cas d'attaque jihadiste, la réponse ne se fait pas attendre : "Même les jeunes filles, les femmes et vieilles dames prendraient les armes ! Nous ne laisserions pas les hommes être les seuls martyrs. Moi aussi, je défendrais ma religion, et ne laisserais personne nous faire du mal", tonne Rabab Tarabay, habitante druze de Kfarhim.

Les jihadistes font peur jusque dans leur propre communauté. Plusieurs familles sunnites bloquent l'autoroute Beyrouth-Tripoli depuis près d'une semaine. Leur but : faire pression sur l'État libanais pour obtenir la libération d'un des leurs, qui comme une trentaine d'autres soldats et policiers, a été pris en otage par l’EI.

"Comment je me sens? Alors qu'il y a une heure à peine le corps d'un compagnon d'armes de mon frère passait par ici pour être rendu à sa famille avec la tête coupée ? Mon frère pourrait avoir été décapité aujourd'hui et un autre camarade pourrait l'être demain,on s'attend à ça à chaque instant", s'insurge la sœur du soldat Ibrahim Mougheit. "Tout le monde a peur de l'État islamique. Ils vous tuent que vous soyez sunnite ou chiite : ça ne fait aucune différence pour eux !", ajoute-t-elle.

Aujourd'hui, la crainte de l'organisation de l'État islamique est probablement le sentiment le mieux partagé par les 18 confessions que compte officiellement le pays du Cèdre.