
Des affrontements, dimanche à Calais, entre migrants d'Afrique de l'Est, cherchant à rejoindre le Royaume-Uni, témoignent des tensions croissantes que provoque leur afflux depuis l'Italie. La police aux frontières est de plus en plus démunie.
Trois rixes et des dizaines de blessés en 24 heures. La ville de Calais, située sur le littoral de la Manche, est le théâtre de tensions croissantes, provoquées par l’afflux de migrants d'Afrique de l'Est depuis l’Italie, qui tentent de rejoindre le Royaume-Uni. Une situation qui inquiète autant les associations que la police aux frontières (PAF), qui peine à contenir les débordements.
Dimanche soir, ce sont des groupes de Soudanais et d'Érythréens, qui se sont affrontés dans le centre-ville et dans la zone portuaire de Calais, malgré la quarantaine de CRS mobilisés. Bilan : 70 blessés, dont l'un a dû être héliporté dans un état grave à l'hôpital de Lille, dans la nuit de lundi à mardi.
À Calais, selon les chiffres officiels, près de 7 500 clandestins ont été interpellés depuis le début de l'année, alors qu'ils tentaient d'embarquer clandestinement pour le Royaume-Uni, considéré comme un Eldorado.
Au moins 1 200 migrants présents à Calais
Pour les associations calaisiennes de soutien aux migrants, ces violences répétées sont la conséquence d'une "guerre de territoires" que se livrent les groupes d'exilés, "devenus trop nombreux" et "prêts à tout pour essayer de passer en Angleterre".
Entre 1 200 et 1 300 migrants seraient actuellement présents à Calais, une augmentation "de l'ordre de 50 % en quelques mois", avait souligné, lundi, le préfet du Pas-de-Calais, Denis Robin, déplorant une montée des violences entre migrants, mais aussi entre ces derniers et des chauffeurs routiers.
“Les tensions vont augmenter”
Avec cet afflux de migrants, "la situation autour du passage [entre la France et le Royaume-Uni, NDLR] est tendue. Des groupes qui traditionnellement n'interfèrent pas, parce qu'ils passent à des endroits différents [le tunnel et le port, NDLR] commencent à mordre sur le territoire des autres. L'un [essayant] de faire sa place sur le lieu de passage de l'autre", constate Philippe Wannesson, militant associatif.
"Le nombre de personnes remontant d'Italie après avoir traversé la Méditerranée va continuer à augmenter au moins jusqu'à l'automne, [la navigation devenant ensuite plus difficile, NDLR]. Plus le passage [au Royaume-Uni] sera difficile, plus les tensions augmenteront", redoute-t-il.
De son côté, Véronique Devise, présidente départementale du Secours catholique, appelle à la prise d'"une décision politique au niveau national et européen". "Tout est exacerbé, on arrive à un contexte un peu explosif. Les migrants sont tellement désespérés, ils veulent, parfois avec un peu de violence, prendre un camion par la force et partir en Angleterre", soulignait-elle, lundi.
Principalement Érythréens et Syriens
Selon un rapport de la PAF, dévoilé mardi par “Le Figaro”, "entre le 1er janvier et le 30 juin 2014, 61 591 migrants irréguliers ont débarqué en Italie" contre "7 913 pour la même période en 2013 et seulement 4 301 pour les six premiers mois de 2012. Les Érythréens représentent 31 % de ces migrants (18 282). Les Syriens arrivent en deuxième position, avec 10 371 (17 %)". Cet afflux massif a eu pour conséquence une accentuation de "la pression migratoire sur la frontière avec l'Italie".
Sollicité par l'AFP, le ministère de l'Intérieur a indiqué qu'il s'agissait d'un "phénomène connu". "Tout, à commencer par la baisse des demandes d'asile en France au 1er semestre 2014, indique que [l'Hexagone] est pour ces migrants un pays de transit", a souligné le ministère.
"Il s'agit très certainement de gens qui ont fui par la Libye grâce à une organisation mafieuse, qui échouent en Sicile et remontent la péninsule pour se disperser en Europe [...]. La France peut être un pays d'installation pour certains, de transit pour d'autres", souligne Geneviève Jacques, présidente de la Cimade, selon laquelle de nombreux Érythréens trouvent refuge dans les pays nordiques.
"Refus de l'UE de venir en aide à l'Italie”
Pour le porte-parole de France terre d'asile, Pierre Henry, ce phénomène est la conséquence "du refus de l'Union européenne (UE) de venir en aide à l'Italie, qui l'a demandée depuis le début de l'année, lorsque des migrants sont arrivés sur ses côtes".
Pour essayer d'enrayer la montée des tensions, le gouvernement, comme l'a expliqué le préfet Robin, a mandaté l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) et la Direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) pour présenter cette semaine diverses options aux migrants, comme le droit d'asile, l'hébergement d'urgence ou une aide au retour dans leur pays d'origine.
Avec AFP