Le sauvetage de Banco Espirito Santo est un nouvel épisode de la chute de la maison Espirito Santo, l’une des plus influentes familles portugaises. Son patriarche actuel, Ricardo Salgado, est soupçonné de fraude et de blanchiment d’argent.
C’est bien plus qu’une nouvelle histoire de banque en péril. Au Portugal, le sauvetage d’urgence, dimanche 3 août, de Banco Espirito Santo (BES) est la conséquence la plus fracassante de la chute de la dynastie Espirito Santo, l’une des familles les plus influentes du pays depuis plus d’un siècle.
Si le gouvernement a dû débloquer 4,4 milliards d’euros dans l’affaire, c’est que l’empire financier d’Espirito Santo semble prendre l’eau de toute part. Les soucis de BES proviennent, en effet, de faillites en cascade au sein du château de cartes - devenu château de sable - familial. Trois entités d’Espirito Santo Grupo se sont, tour à tour, retrouvées dans l’incapacité d’honorer leurs dettes entre le 18 juillet et le 23 juillet 2014. Il s’agit d’Espirito Santo International, la holding luxembourgeoise qui chapeaute toutes les activités de cet empire, de Rioforte, qui gère les activités non-financières de la famille, et d’Espirito Santo Financial Group, premier actionnaire de Banco Espirito Santo.
Du comptoir de change à la ferme au Panama
La débâcle financière du géant portugais de la finance est due à une extension mal maîtrisée du domaine des activités du groupe, d’après la chaîne américaine Bloomberg. En 1869, Espirito Santo n’était qu’un comptoir de change créé par José Maria Espirito Santo à Lisbonne. Aujourd’hui, c’est une multinationale présente dans plus de 20 pays qui détient une gigantesque ferme au Panama, des hôtels un peu partout dans le monde et a investi dans divers projets immobiliers. En 2007, le groupe valait plus de trois milliards d’euros. "La famille a fini par ne plus avoir une vision d’ensemble de tout ce qu’elle possédait", affirme Ricardo Cabral, un professeur assistant en économie à l’université de Madère, contacté par Bloomberg.
Cette diversification tous azimuts s’est faite en accumulant les dettes jusqu’au point de non retour. À aucun moment, le groupe n’a voulu ouvrir son capital à des investisseurs étrangers et a toujours privilégié l’endettement. "Soit les actionnaires majoritaires n’ont pas bien compris la situation économique de la banque, soit ils avaient quelque chose à cacher [et ne voulaient pas accueillir de nouveaux investisseurs trop curieux, NDLR]", poursuit Ricardo Cabral.
Disgrâce de Ricardo Salgado
Les Portugais n’ont jamais soupçonné que cette boulimie pouvait se révéler dangereuse. Ricardo Salgado, le PDG de Banco Espirito Santo et arrière petit-fils de José Maria Espirito Santo, était simplement surnommé "le propriétaire de tout" au Portugal. Il était l’une des personnes les plus influentes du pays. Jusqu’à sa disgrâce.
L’arrestation, le 24 juillet, de ce banquier de 70 ans qui a passé plus de 20 ans à la tête de la BES, a apporté une tournure judiciaire hautement médiatique à la saga familiale des Espirito Santo. Il est soupçonné de fraude, de falsification de documents et de blanchiment d’argent. En clair, les enquêteurs vont devoir déterminer si Ricardo Salgado a activement participé à la dissimulation de plusieurs centaines de millions d’euros de dettes.
Et le blanchiment d’argent ? C’est encore une autre histoire. En 2011, les autorités portugaises lancent l’opération "Monte Branco" (Mont Blanc) afin de démanteler le plus vaste réseau de blanchiment d’argent et de fraude fiscale de l’histoire du pays, impliquant plus d’une centaine de personnes, dont plusieurs personnalités politiques. Il s’agissait de comprendre les liens entre plusieurs banques suisses et de riches contribuables portugais. Ricardo Salgado avait été entendu comme simple témoin à l’époque. Entre temps, les enquêteurs semblent avoir mis la main sur de nouveaux éléments indiquant que plus de 200 millions d’euros qui lui appartiendraient seraient allés trouver refuge sous le soleil fiscal helvète. Les soucis de la famille ne sont donc pas encore finis.