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Plusieurs questions demeurent après le crash, jeudi, du vol MH17 en Ukraine. L'une d'entre elles est de savoir si la Malaysia Airlines, déjà frappée par la disparition mystérieuse d’un autre avion, peut survivre à cette série noire de catastrophes.

Deux catastrophes aériennes majeures pour une seule compagnie en près de cinq mois. L’avion de la Malaysia Airlines abattu, jeudi 17 juillet, au-dessus de l’Ukraine, s’ajoute à la disparition toujours mystérieuse, en mars, du vol MH370 de la même compagnie. “Dans l'histoire de l'aviation, il n'y a jamais eu une compagnie qui traverse deux catastrophes en si peu de temps”, a déclaré Mohshin Aziz, analyste chez Maybank Investment Bank, à l'agence de presse économique Dow Jones Newswires.

Cette double peine pour le groupe est d’abord une tragédie humaine. L’accident en Ukraine a coûté la vie à 298 personnes et 239 passagers étaient à bord du vol MH370. Mais c’est aussi un coup économique très dur pour l'entreprise.

Sans précédent connu, "il est difficile de s’appuyer sur le passé pour extrapoler sur la capacité [de la compagnie] à s’en sortir", souligne Mohshin Aziz. Reste que ce double coup du sort "va rendre la situation très difficile pour la Malaysia Airlines", note Marc Ivaldi, expert du secteur des transports à la Toulouse School of Economics, contacté par FRANCE 24.

Sanction boursière

Un avis largement partagé par les marchés. Depuis l’accident en Ukraine, le cours de l’action de la compagnie est en chute libre. Elle perdait 11 % de sa valeur et s’échangeait, vendredi 18 juillet, à 0,20 ringgit (0,046 euro). Déjà, après la disparition de son avion au-dessus de la mer au large du Vietnam, l’action de la Malaysia Airlines avait dégringolé pendant deux mois pour atteindre 0,15 ringgit (0,03 euro).

À priori, cette violente réaction boursière peut sembler disproportionnée. Après tout, le crash en Ukraine n’est pas la conséquence d’une erreur de la compagnie malaisienne, sauf à considérer qu’elle aurait dû éviter de survoler une zone de conflit. "Si les marchés étaient parfaitement efficients, ses acteurs devraient se comporter de manière rationnelle et ne pas prendre économiquement en compte des événements qui n’ont statistiquement aucune chance ou presque de se produire, comme deux accidents majeurs frappant la même compagnie en quelques mois", explique Marc Ivaldi.

"Mauvais sort"

Cependant, l’expert juge la forte baisse de l’action de la Malaysia Airlines tout à fait compréhensible. Car après un tel événement, la première réaction, même économique, est irrationnelle. "Dans la tête de tout le monde, il va y avoir des pensées comme ‘cette compagnie est frappée par le mauvais sort’ ou encore ‘jamais deux sans trois’, ce qui peut avoir des répercussions économiques”, note-t-il. Ainsi, les investisseurs peuvent-ils anticiper une baisse des réservations sur les vols de la compagnie.

La compagnie elle-même s’y attend. Elle a annoncé le remboursement total des billets pour les passagers qui voudraient, d’ici une semaine, annuler leurs vols. Après la disparition du vol MH370, les pertes du groupe malaisien s’étaient creusées de 59 %, essentiellement à cause "d’un sentiment négatif [des voyageurs]", avait concédé en mai dernier Ahmad Jauhari Yahya, le patron de la Malaysia Airlines.

Situation financière déjà délicate

Et il n’y a pas que les pertes dues à d’éventuelles annulations. Comme le souligne le “New York Times”, la Malaysia Airlines risque de devoir verser jusqu’à 44 millions de dollars (32,5 millions d’euros) pour des questions d’assurance aux familles des victimes, même si elle n’y est pas pour grand chose.

Le sentiment de défiance va probablement s’estomper avec le temps quand "les réactions rationnelles reprendront le dessus", prévoit Marc Ivaldi. Mais l'entreprise est acculée. Ces potentiels nouveaux frais et pertes s’ajoutent à une situation financière déjà délicate. Cette compagnie vieille de 79 ans peine, comme d’autres, à faire face à la concurrence des transporteurs low-cost. Elle a perdu, en 2013, 359 millions de dollars (265 millions d’euros), essentiellement à cause de la pression sur les prix exercée dans le secteur. "La compagnie était déjà en difficulté, donc cela risque d’être d’autant plus difficile pour elle de résister [après ces catastrophes]", souligne, au site économique Quartz, le cabinet d’études sur le secteur aéronautique Capa.

Difficile, pour Marc Ivaldi, de prédire si cette nouvelle catastrophe aérienne marque la fin de parcours pour la Malaysia Airlines. Mais il ne serait pas surpris que la compagnie soit obligée, pour redresser la barre à court terme, de recourir à des stratégies de communication de crise, comme par exemple en changeant de nom.