Le Mondial-2014 au Brésil se déroule pendant le ramadan. Ce n'est pas la première fois que des sportifs musulmans doivent concilier pratique religieuse et compétition. Illustration à travers cinq portraits de sportifs musulmans.
Pour la première fois depuis l’édition de 1986, la Coupe du monde de football se déroule durant le mois sacré de ramadan. Pendant la compétition, les joueurs de confession musulmane peuvent choisir de respecter le jeûne ou non. Lorsqu’ils sont considérés comme "voyageurs", les musulmans ont en effet la possibilité de reporter le mois de ramadan à une période ultérieure. Dans l’histoire du sport, de grands champions ont déjà été confrontés à ce dilemme. Alors que certains ont décidé de faire passer le sport avant tout, d’autres ont tenu à faire le ramadan malgré les risques de contreperformance. FRANCE 24 vous propose de revenir sur le parcours de cinq sportifs musulmans.
Suleiman Nyambui, une médaille d’argent en plein ramadan
En 1980, lors des Jeux olympiques de Moscou, l’athlète Tanzanien Suleiman Nyambui n’a pas hésité très longtemps au sujet du ramadan. Ce coureur de fond a choisi de respecter le jeûne malgré l’importance de cette compétition. Lors de la finale, cette décision ne lui a finalement pas porté préjudice. Il a remporté la médaille d’argent du 5 000 mètres juste derrière la star de l’époque, l’Éthiopien Miruts Yifter. Alors secrétaire général de l’association tanzanienne, Suleiman Nyambui a encouragé les athlètes musulmans à suivre son exemple lors des JO de Londres en 2012, qui se sont aussi déroulés durant le ramadan. Comme il l’a expliqué au journal américain "USA Today", sa foi est bien plus importante : "Une fois que tu as décidé de faire quelque chose, Allah est derrière toi". Selon lui, la course n’est d’ailleurs pas la partie la plus difficile, contrairement à l'entraînement. S’il avait dû jeuner durant sa préparation, assure-t-il, ses performances en auraient été altérées.
La deuxième place de Suleiman Nyambui aux JO de Moscou en 1980
Hakeem Olajuwon, star de la NBA et musulman pratiquant
Né au Nigeria, Hakeem Olajuwon est le plus grand basketteur africain de l’histoire de la NBA. De confession musulmane, le joueur a toujours respecté scrupuleusement le ramadan même si celui coïncidait avec la saison de basketball. Comme le rapporte le site officiel de la ligue nord-américaine, "il se levait avant l’aube pour manger sept dattes et boire un litre d’eau. Il priait ensuite pour se donner des forces et ne mangeait ni ne buvait avant le coucher du soleil". En février 1995, il a réussi l’exploit d’être nommé meilleur joueur du mois avec 29,5 points, 10,1 rebonds, 3,8 passes et 3,4 contres par match, alors qu’il pratiquait le jeûne. Le basketteur, qui vit aujourd’hui en Jordanie, avait expliqué, dans une interview en 2009, que cette pratique ne l’avait jamais gêné : "Quand je jouais, nous avions beaucoup de déplacement et mes coéquipiers buvaient de l’eau. Pour moi, cela n’avait pas d’importance. Cela me rendait plus fort et mes statistiques étaient plus efficaces. J’étais meilleur durant le ramadan, plus concentré et plus léger".
Amir Khan, pas de boxe pendant le ramadan
Médaillé d'argent aux Jeux olympiques d'Athènes en 2004 dans la catégorie poids légers, à seulement 17 ans, et champion du monde des super-légers WBA en 2009, l’Anglais Amir Khan est l’un des boxeurs les plus doués de sa génération. Musulman, ce sportif observe scrupuleusement le jeûne du ramadan. Un choix qui n'est pas sans conséquences sur ses combats. En mai dernier, la star des rings, l’Américain Floyd Mayweather, a annoncé vouloir le défier le 13 septembre prochain. Mais le boxeur britannique a décliné cette offre. Actuellement en plein jeûne, Amir Khan estime qu’il ne sera pas prêt dans les temps et a demandé à son rival de décaler le combat. "Peut-être que mes convictions religieuses donnent à Floyd une excuse pour ne pas me rencontrer. En proposant la date de septembre, il savait que j’allais refuser. De cette manière, il peut dire que je ne veux pas me battre. Ils le savent tous, alors pourquoi ne pas attendre quelques mois ?", s'est-il interrogé dans le journal britannique "Mirror".
Le boxeur Amir Khan explique qu'il observe le ramadan (en anglais)
Oussama Mellouli, menacé de mort pendant les JO
Double champion olympique, le Tunisien Oussama Mellouli n’a pas reçu que des louanges lors de sa victoire sur le 10 km nage en eau libre aux JO de Londres. Même s’il a remporté une médaille d’or pour son pays, le nageur a aussi été vivement critiqué pour avoir bu un verre de jus de fruit durant la course, en plein mois du ramadan. Comme le rapporte le site Kapitalis, il a même été menacé de mort par un groupe islamiste peu après sa victoire. "Nous exigeons qu’on retire à ce fattar [celui qui ne fait pas le ramadan, NDLR] la nationalité tunisienne, il ne la mérite pas. Cet homme est une honte pour nous, Tunisiens et musulmans, et pour toute la oumma [nation, NDLR]", pouvait-on lire à l’époque sur plusieurs pages Facebook. Interrogé par RFI, le champion n’avait pas caché sa stupeur : "Je suis en état de choc. […] Je pense que ce groupe représente 1 % de la population tunisienne et il ne faut pas que ma famille s’inquiète", mais "il faut rester méfiant".
Mohamed Sbihi mange mais offre des repas
En 2012 à Londres, le rameur britannique d’origine marocaine Mohamed Sbihi avait été confronté au même cas de conscience. Il avait finalement décidé de ne pas jeûner durant la compétition pour ne pas pénaliser son équipe. "J’ai confiance en ma capacité à être en forme même si je jeûne, mais je ne veux pas que le doute s'insinue parmi mes coéquipiers. La moindre faiblesse pourrait influencer nos performances", avait expliqué ce spécialiste de l’aviron à FRANCE 24. Il avait ainsi choisi de suivre l’exemple du footballeur marocain Badou Zaki qui ne jeûnait jamais lorsqu’il jouait en Liga, dans les années 80, mais qui offrait des repas aux plus démunis. Mohamed Sbihi a aidé quelque 1 800 personnes au Maroc, le pays de son père : "J’ai donné de l’argent à une association appelée Walou4us qui travaille avec des enfants marocains qui n’ont rien et qui survivent dans des conditions terribles". Lors de l'Olympiade, il a finalement remporté la médaille de bronze dans l'épreuve du huit.
Le rameur Mohamed Sbihi explique son choix d'offrir des repas aux démunis (en anglais)