La Cour européenne des droits de l'Homme a demandé le maintien en vie de Vincent Lambert, plongé dans un état de "conscience minimale" depuis six ans. Quelques heures plus tôt, le Conseil d'État s'était prononcé en faveur d'un arrêt des soins.
"Ayant pris connaissance de l'arrêt rendu par le Conseil d'État", la CEDH a décidé de demander au gouvernement "de faire suspendre l'exécution de cet arrêt pour la durée de la procédure devant la Cour", précise un courrier adressé par la CEDH au gouvernement français. "Cette mesure implique que Vincent Lambert ne soit pas déplacé avec le but d'interrompre le maintien de son alimentation et de son hydratation", précise la Cour.
Plus tôt dans la journée, le Conseil d'État avait validé la décision d'arrêt des soins prodigués à ce patient, prise l'année dernière par l'équipe médicale du CHU de Reims, en accord avec l'épouse de Vincent Lambert. Le Conseil d’État avait estimé que cette décision s'inscrivait dans le cadre de la loi Leonetti de 2005 qui proscrit l'acharnement thérapeutique.
La famille de Vincent Lambert se déchire depuis un an sur la question du maintien en vie de cet homme, plongé depuis six ans dans un coma profond, sans qu’il soit possible de savoir s’il entend ou s'il ressent ce qu’on lui dit. Ancien infirmier en psychiatrie de 39 ans, Vincent Lambert avait été hospitalisé au CHU de Reims après un accident de la route en 2008.
Plusieurs de ses frères et sœurs ainsi que sa femme ont soutenu la décision médicale du CHU de Reims, conformément, affirment-ils, à la volonté du patient. "J'aimerais [...] qu'on laisse Vincent partir tranquillement, dignement", a expliqué son épouse mardi matin sur Europe 1.
"Obstination déraisonnable"
À l’inverse, ses parents et d’autres de ses frères et sœurs, réclament son maintien en vie. "Vincent n'est pas un légume [...], je ne peux pas imaginer que des juges pourront suivre le rapporteur public", a déclaré sa mère lundi soir. Vendredi 20 juin, le rapporteur public du Conseil d'État, Rémi Keller, a recommandé d'annuler une décision du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui ordonnait la poursuite des soins. Une première en France. Le tribunal avait été saisi par les parents du patient, révoltés que le CHU de Reims et son médecin, le Dr Éric Kariger, aient décidé d'arrêter son traitement.
Évoquant une "obstination déraisonnable", Rémi Keller a demandé de "constater que la décision d'interrompre le traitement" était conforme à la loi Leonetti [sur la fin de vie]. Vincent Lambert est "en état végétatif totalement inconscient", ont également indiqué trois médecins qui ont mené une expertise à la demande du Conseil d'État.
Selon la compagne de Vincent Lambert, le refus de la famille de laisser partir le malade est motivé par des convictions religieuses. Elle rappelle que Viviane Lambert, la mère, est proche de la Fraternité Saint-Pie X, un mouvement catholique intégriste.
Cette décision sur le cas Lambert est survenue au moment où deux procès relancent le débat sur la fin de vie : celui du Dr Nicolas Bonnemaison pour l'empoisonnement de sept patients aux assises des Pyrénées-Atlantiques, et celui, qui débute mercredi aux assises de l'Hérault, d'une ex-professeur de français, accusée d'avoir tenté d'abréger la vie de sa mère atteinte d'Alzheimer.
Avec AFP